Bulletin Officiel n°99/1Direction des hôpitaux
Direction générale de la santé
Direction de l'action sociale

Circulaire DH/AF 1/DGS/SP 2/DAS/RV 3 n° 98-736 du 17 décembre 1998 relative à la mission de lutte contre l'exclusion sociale des établissements de santé participant au service public hospitalier et à l'accès aux soins des personnes les plus démunies

SP 3 313
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NOR : MESH9830537C

(Texte non paru au Journal officiel)

Références :
Code de la santé publique : article L. 711-3, L. 711-4, L. 711-7 ;
Loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 portant adaptation de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion, à la lutte contre la pauvreté, à l'exclusion sociale et professionnelle ;
Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions (art. 67 à 77, JO du 31 juillet 1998).
Textes complétés :
Circulaire DIRMI/DAS/DSS n° 93-07 du 9 mars 1993 relative à l'aide médicale ;
Circulaire DH/AF 1/DAS/RV 3 n° 93-33 du 17 septembre 1993 relative à l'accès aux soins des personnes les plus démunies ;
Circulaire DAS/DH/DGS/DPM/DSS/DIRMI/DIV n° 95-08 du 21 mars 1995 relative à l'accès aux soins des personnes les plus démunies.
Date d'application : immédiate.

La ministre de l'emploi et de la solidarité, le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale à Mesdames et Messieurs les Directeurs des agences régionales de l'hospitalisation (pour diffusion et mise en oeuvre) ; Mesdames et Messieurs les préfets de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales [pour information]) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales [pour mise en oeuvre])
Le gouvernement a souhaité mettre en oeuvre un programme en faveur de l'égalité d'accès à la santé au sens large, intégrant les droits, les soins et la prévention. Pour ce faire, il a élaboré un programme s'appuyant sur deux volets :

Concrètement, la montée de la pauvreté et de la précarité se traduit par l'arrivée, aux portes des hôpitaux - en général des urgences - d'un nombre croissant de malades qui parfois connaissent des difficultés d'accès aux soins ambulatoires. La précarité et la pauvreté exigent donc des adaptations structurelles, des changements de mentalités et de pratiques professionnelles.
La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 a prévu la prise en compte de la précarité par le système de santé, avec l'affirmation d'une nouvelle mission de l'hôpital, la lutte contre l'exclusion sociale et la mise en oeuvre de programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins (PRAPS). Ceux-ci seront intégrés dans la réflexion présidant à l'élaboration des SROS, au même titre que les priorités retenues par les conférences de santé.
Dans le cadre des PRAPS, des structures d'accueil pour les personnes en situation de précarité dénommées permanences d'accès aux soins de santé (PASS) seront installées dans les établissements de santé participant au service public hospitalier.
Ainsi, l'objectif poursuivi consiste à mettre en réseau les professionnels du champ sanitaire et social, hospitalier, libéral ainsi que les professionnels chargés de l'insertion afin d'offrir aux populations des lieux visibles d'accueil, d'information, de prévention, d'orientation, de soins. Cette collaboration est d'autant plus importante qu'une partie des publics en situation précaire nécessite une prise en charge simultanée des aspects sanitaires et sociaux, et que les actions de santé ne se limitent pas aux soins mais accordent une place essentielle à la prévention.
Dès lors, et sans attendre l'établissement des PRAPS pour lesquels des instructions vous parviendront ultérieurement, les établissements de santé publics et privés participant au service public hospitalier sont invités, dans la continuité des cellules d'accueil définies par les circulaires respectivement n° 33 du 17 septembre 1993 et n° 95-08 du 21 mars 1995, à s'inscrire dans la dynamique créée par la loi et à préparer des projets nouveaux.
L'objet de la présente circulaire est, d'une part, de définir la participation des établissements participant au service public hospitalier à la lutte contre l'exclusion sociale et, d'autre part, de rappeler le dispositif des conventions Etat/établissements de santé : consultations externes, actes diagnostiques et thérapeutiques.

I. - LA PARTICIPATION DE L'HÔPITAL
À LA LUTTE CONTRE L'EXCLUSION SOCIALE
1. Les établissements de santé participant au service public hospitalier concourent à la lutte contre l'exclusion sociale

La loi du 29 juillet 1998 insère un 7° à l'article L. 711-3 du code de la santé publique selon lequel le service public hospitalier concourt « à la lutte contre l'exclusion sociale, en relation avec les autres professions et institutions compétentes en ce domaine, ainsi que les associations qui oeuvrent dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion, dans une dynamique de réseaux ».
Ainsi, l'hôpital sera l'un des acteurs engagés dans la prévention et la lutte contre les exclusions dont la coordination devra être assurée par le comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les exclusions (art. 155 de la loi du 29 juillet 1998).
L'hôpital doit veiller à la bonne prise en charge des personnes qui se présentent à ses portes, ou qui lui sont signalées, quelle que soit l'origine de ce signalement.
Il est demandé aux directeurs des établissements de sensibiliser à nouveau le personnel hospitalier pour qu'ils exercent une particulière vigilance afin de faciliter l'accueil des plus démunis, notamment en période de grand froid.
Ce regard de l'hôpital sur son environnement s'accompagne de l'ouverture à la cité qui est une priorité, avec la possibilité pour les institutions sociales et les associations d'être plus souvent et plus systématiquement présentes à l'hôpital, et le développement de la participation de l'hôpital aux réseaux sanitaires et sociaux.
Les actions hospitalières prenant en compte la dimension médico-sociale des personnes les plus démunies s'harmoniseront, dès lors, avec l'ensemble des acteurs oeuvrant dans ce domaine : associations, médecins libéraux, professions paramédicales, DDASS, conseils généraux, CCAS, caisses d'assurance maladie...
Pour exemple, on peut notamment rappeler la dimension sociale de la mission des secteurs de psychiatrie qui induit un travail en partenariat continu avec les acteurs sociaux, pour la prise en charge des populations en souffrance psychique et des patients qui alternent séjours hospitaliers et séjours en hébergement social.
En outre, la loi complète l'article L. 711-4 du même code en précisant que les établissements doivent s'assurer « qu'à l'issue de leur admission ou de leur hébergement, tous les patients disposent des conditions d'existence nécessaires à la poursuite de leur traitement. A cette fin, ils orientent les patients sortants, ne disposant pas de telles conditions d'existence, vers des structures prenant en compte la précarité de leur situation ».
Dès lors, les établissements du service public hospitalier contribueront à l'objectif global de réinsertion des patients dans le circuit de droit commun d'accès aux soins, dès l'accueil de ceux-ci dans les services de soins et aux urgences. A cette fin, un travail de coordination avec, notamment, les associations, les médecins libéraux et les services sociaux des collectivités territoriales (conseils généraux, communes...) doit être entrepris afin d'assurer une réelle cohérence et continuité dans le domaine des soins.
Il est essentiel que dans les établissements de santé du service public hospitalier, et en particulier dans les structures d'urgence, le personnel avec lequel la personne en situation de précarité est en contact établisse un lien entre celle-ci et les services sociaux. Il pourra alors servir de support à une demande d'accompagnement social.
Si son état médical ne justifie pas une hospitalisation, il conviendra notamment :

A cette fin, une information de l'ensemble du personnel administratif, socio-éducatif, médical et soignant, et en particulier des urgences, devra être assurée. La formation des personnels hospitaliers en la matière sera retenue comme une des actions prioritaires à développer en 1999.
A titre expérimental, des unités mobiles hospitalières (bus sanitaires équipés) (2 en 1999, 6 supplémentaires en l'an 2000) contribueront au développement de la participation de l'hôpital aux réseaux sanitaires et sociaux. L'hôpital doit, au-delà de sa mission de soins, contribuer au « dépistage des souffrances sociales » et s'attacher à établir un premier contact médical avec des populations qui ne « peuvent ou osent » venir vers lui, pour reprendre le constat du rapport de J. Lebas.

2. Les permanences d'accès aux soins de santé

Le nouvel article L. 711-7-1 du code de la santé publique dispose que : « Dans le cadre des programmes régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins prévus (...), les établissements publics de santé et les établissements de santé privés participant au service public hospitalier mettent en place les Permanences d'Accès aux Soins de Santé, qui comprennent notamment des permanences d'orthogénie adaptées aux personnes en situation de précarité, visant à faciliter leur accès au système de santé et à les accompagner dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits. »
Les PASS sont des cellules de prise en charge médico-sociale qui doivent faciliter l'accès des personnes démunies non seulement au système hospitalier, mais aussi aux réseaux institutionnels ou associatifs de soins, d'accueil et d'accompagnement social. Elles ont aussi pour fonction de les accompagner dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits, notamment en matière de couverture sociale (régime de base ou régime complémentaire d'assurance maladie, accès rapide à l'aide médicale). Elles doivent également répondre à toutes les demandes des jeunes femmes démunies qui sont à la recherche de mesures de prévention en matière de contraception ou d'interruption volontaire de grossesse ou d'accueil pour leur enfant. Dans ce dernier cas, le rôle des PASS sera de faire le lien avec les services sociaux, notamment ceux des conseils généraux, compétents en matière d'aide sociale à l'enfance et de PMI depuis les lois de décentralisation.
Les PASS pourront être situées à proximité ou dans les services d'urgence pour lesquels elles serviront de relais. Il ne s'agit, en aucun cas, de créer au sein de l'hôpital des filières spécifiques pour les plus démunis. Au contraire, ceux-ci doivent avoir accès aux soins dans les mêmes conditions que l'ensemble de la population, notamment dans le cadre de consultations de médecine générale à horaires élargis.
Pour ce faire, les établissements de santé mettront en place des dispositifs permettant à ces malades une circulation facile au sein de l'hôpital entre les différents lieux de consultation, d'examens et de soins depuis leur accueil par la PASS.
L'importance de la population démunie détermine la taille des PASS qui comprennent, soit des travailleurs sociaux qui leur sont affectés et couvrant une plage horaire journalière plus ou moins étendue, soit des professionnels du service social de l'hôpital qui assurent, à tour de rôle, une permanence.
L'organisation des PASS pourra prévoir les modalités du partenariat avec les acteurs sociaux de terrain, notamment :

La montée en charge des PASS doit s'effectuer sur trois ans. 250 PASS devront être installées fin 1999. En 2000, 50 nouvelles PASS devront être créées.
Dans le cadre des PRAPS, les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation déterminent dans quels établissements de santé participant au service public hospitalier seront installées les PASS. Néanmoins, avant même la constitution de ceux-ci, il y a lieu de prendre en compte les cellules d'accueil des plus démunis installées avant le 1er janvier 1999.
Au 1er janvier 1999, il s'agit donc, dans un premier temps, de recenser le nombre de PASS existantes afin d'assurer leur prise en charge pérenne, financée sur les groupes I et II de recettes des budgets hospitaliers.
A cette fin, il est souhaitable, pour permettre de recenser de manière exhaustive les cellules d'accueil déjà installées, de les indiquer en remplissant l'annexe jointe à la circulaire relative à la campagne budgétaire pour 1999. Sur la base de cette remontée d'informations, il sera procédé à une première délégation de crédits.
Les modalités précises de financement des dépenses d'exploitation des établissements liées à la création de nouvelles structures en 1999 sont explicitées dans la circulaire relative à la campagne budgétaire pour 1999, sachant que cette répartition interrégionale est effectuée sur la base de critères de précarité globaux (ex. : nombre de bénéficiaires d'allocations à caractère social). Un objectif de nombre de PASS à mettre en oeuvre sur la base de ces critères est défini par région.
Une seconde délégation de crédits (majoration de dotations régionales) s'effectuera en cours d'année au vu des objectifs proposés par les ARH et les établissements, garantissant ainsi sur la base d'un coût standard (250 000 F par PASS), le financement de tous les projets mûrs en 1999.
En outre, deux unités mobiles (coût unitaire : 2,5 MF) seront installées en 1999. Six unités supplémentaires le seront en l'an 2000 pour un coût de 15 MF.
II. - LES CONVENTIONS ÉTAT/ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ : CONSULTATIONS EXTERNES, ACTES DIAGNOSTIQUES ET THÉRAPEUTIQUES
Le nouvel article L. 711-7-1 du code de la santé publique dispose aussi que : « dans le cadre des programmes régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins prévus (...) les établissements publics de santé et les établissements de santé privés participant au service public hospitalier » concluent avec l'Etat des conventions prévoyant, en cas de nécessité, la prise en charge des consultations externes, des actes diagnostiques et thérapeutiques ainsi que des traitements qui sont délivrés gratuitement aux personnes en situation de précarité ».
Ces conventions, qui ont un caractère dérogatoire par rapport à la loi du 29 juillet 1992, s'appliquent comme les précédentes définies dans la circulaire DIRMI/DAS/DSS n° 93/07 du 9 mars 1993, annexe 3 et la circulaire DH/DAS du 17 septembre 1993 aux personnes qui, résidant habituellement en France sans y posséder ni domicile fixe, ni résidence stable, sont de passage ou séjournent temporairement dans le département au moment où elles demandent à bénéficier de soins médicaux et sont dépourvues de ressources et de droit à un régime de protection sociale. Le recours aux conventions doit être exceptionnel.
Ces conventions prévoient que les dépenses engagées en faveur des personnes démunies par l'établissement de santé, à savoir :

  • actes médicaux courants ;

  • actes de radiologie ou de biologie ;
  • acquisition de produits pharmaceutiques remboursables par l'assurance maladie, frais de gestion inclus,
  • sont en totalité remboursés au titre de l'aide médicale Etat. L'Etat rembourse l'établissement de santé des dépenses engagées sur justificatifs constitués par :

    Un certain nombre de dérives ayant été constatées (absence de délivrance de médicaments, prise en charge de frais de séjour hospitalier, absence de registre des patients et des soins distribués), les DDASS sont conviées à vérifier que ces conventions soient appliquées complètement, tout en restant dans le cadre défini par les circulaires citées.
    Compte tenu des conventions déjà passées, il convient qu'au total 600 conventions soient en vigueur en 1999 et 800 en l'an 2000.

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    Toutes informations complémentaires pourront vous être données en adressant vos demandes soit à la DH (bureau AF 1), soit à la DGS (bureau SP 2), soit à la DAS (bureau RV 3).

    Martine Aubry
    Bernard Kouchner