Circulaire DHOS/DGS/O2/6 C no 2005-300 du 4 juillet 2005 relative à la promotion de la collaboration médico-psychologique en périnatalité
NOR : SANH0530294C
Références :
Circulaire DHOS/O2 no 507-2004 du 25 octobre 2004 relative à lélaboration du volet psychiatrie et santé mentale du schéma régional dorganisation sanitaire de troisième génération ;
Circulaire DHOS/O1/DGS/DGAS no 517-2004 du 28 octobre 2004 relative à lélaboration des SROS de lenfant et de ladolescent ;
Plan périnatalité « Humanité, proximité, sécurité, qualité » 2005-2007 ;
Plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008.
Annexes :
Rapport de Mme le Dr Molénat ;
Fiche du plan périnatalité relative à lentretien du 4e mois ;
Fiche du plan périnatalité relative aux réseaux périnatalité.
Le ministre de la santé et des solidarités à Mesdames et Messieurs les directeurs des agences régionales de lhospitalisation (pour exécution et diffusion) ; Madame et Messieurs les préfets de régions (directions régionales des affaires sanitaires et sociales [pour information]) ; Mesdames et Messieurs les préfets de départements (directions départementales des affaires sanitaires et sociales [pour information]).
Introduction
Le plan périnatalité, annoncé le 10 novembre 2004 par le ministre des solidarités, de la santé et de la famille qui a pour objectif de moderniser lenvironnement de la grossesse et de la naissance, propose un ensemble de mesures visant à améliorer la sécurité et la qualité des soins, tout en développant une offre plus humaine et plus proche. Il vise également à améliorer la connaissance de ce champ et à mieux reconnaître les professionnels qui y travaillent. Dans ce cadre, lun des principaux enjeux consiste à améliorer lenvironnement psychologique et social des parents et de lenfant. Cette démarche sarticule essentiellement autour de trois mesures : la mise en place dun entretien individuel du quatrième mois, la prise en compte de lenvironnement psychologique de la naissance et le développement des réseaux en périnatalité.
La présente circulaire est précisément destinée à initier une meilleure prise en compte de la dimension psychologique et se fonde sur la conviction désormais largement partagée chez les professionnels concernés de limportance de la dimension affective dans le processus de la naissance. La place accordée à cette dimension conditionne, en effet, le bon déroulement du processus physiologique entourant la naissance ainsi que la construction harmonieuse des liens familiaux. Par ailleurs, des programmes et des études (cf. note 1) ont démontré quun soutien précoce et de qualité à la parentalité, dès le pré et le post-partum, constituait un facteur de prévention de maltraitance et de psychopathologie infantile et adolescente. Un tel soutien constitue à cet égard un véritable enjeu de santé publique.
Larticulation entre la psychiatrie et la périnatalité sest développée en France sur la base de rares initiatives militantes et individuelles. Cette articulation a effectivement permis de répondre aux difficultés de professionnels de la naissance confrontés à des psychopathologies maternelles avérées ou à des situations à haut risque médical (risque foetal, grande prématurité, malformation...), générant chez les femmes et leurs conjoints des troubles émotionnels, importants à considérer dans la prise en charge. Il convient, désormais, de développer de manière générale cette articulation entre ces deux disciplines et tout particulièrement pour des familles connaissant des vulnérabilités de nature sociale ou psychologique pour lesquelles la grossesse constitue un moment favorable pour une rencontre avec les acteurs de soins concernés.
Cest précisément dans cette perspective que sinscrit le rapport qui vous est joint en annexe I de la présente circulaire. Ce rapport est laboutissement de la mission confiée à Mme le Dr Molénat, pédopsychiatre au centre hospitalier universitaire de Montpellier, par le directeur de lhospitalisation et de lorganisation des soins, en vue de définir des recommandations sur la collaboration médico-psychologique en périnatalité. Il a été élaboré sur la base dentretiens individuels avec des professionnels (sages-femmes, obstétriciens, pédiatres, pédopsychiatres,...) concernés dans leurs pratiques quotidiennes et de réflexions issues du groupe de travail mis en place à cette occasion. Lobjectif était didentifier à partir de ces expériences de terrain les besoins des familles autant que ceux des professionnels concernés.
Il sagit, dans le cadre de cette circulaire, datteindre un objectif global de continuité et de cohérence impliquant le renforcement des partenariats et la poursuite de lévolution des pratiques dans le sens dun travail en réseau renforcé entre les différents acteurs concernés : sanitaires (quels que soient le mode dexercice et la discipline), sociaux et médico-sociaux (I).
Si la sécurité affective de lenfant passe par celle de ses parents, la sécurité des parents passe notamment par celle des professionnels qui les entourent. La formation, en particulier collective, est un moyen essentiel pour que les professionnels développent une confiance mutuelle nécessaire au développement du travail en collaboration (II).
Par ailleurs, des missions particulières dévolues aux professionnels du champ psychique exerçant en maternité contribuent à la mise en place de ce travail en réseau (III).
Lenjeu consiste effectivement à permettre à lensemble des professionnels concernés de sassocier à cet objectif de santé publique par un travail dappropriation et de mise en oeuvre de cette démarche qui concourt au développement des collaborations médico-psychologiques en périnatalité.
I. - CONTINUITÉ ET COHÉRENCE : UN PRINCIPE ESSENTIEL, FONDEMENT DE LA PRISE EN CHARGE MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE EN PÉRINATALITÉ
Ce principe conduit à considérer le dispositif de soins, essentiellement en termes dintégration, darticulation et de relais. Il sagit de permettre une adaptation des soins, quels que soient les besoins de prise en charge de la personne, le lieu, le moment, leur durée et leur intensité, quils relèvent strictement ou non du domaine sanitaire. Or, ni les acteurs de la psychiatrie ni ceux relevant des champs somatique, social ou médico-social ne peuvent, à eux seuls, fournir lensemble des réponses attendues. Laménagement des parcours de soins et daccompagnement au bénéfice des futurs parents et du nouveau-né apparaît comme une nécessité, cela implique de réduire les cloisonnements au sein ou entre les dispositifs concernés (pédopsychiatrie et psychiatrie générale, psychiatrie et disciplines somatiques, ville et hôpital, sanitaire, social et médico-social) et dassurer la continuité de la prise en charge.
Le respect et la mise en oeuvre de ce principe implique de veiller tout particulièrement :
- au décloisonnement des pratiques professionnelles. Leffet iatrogène de leur cloisonnement a largement été mis en évidence par la clinique pédopsychiatrique, en particulier à partir de situations impliquant les familles les plus vulnérables. La périnatalité met, par définition, en action des acteurs de champs différents dont larticulation est indispensable afin dinstaurer une continuité et une cohérence dans la prise en charge ;
- à lorganisation de la prise en charge et des réponses à apporter, notamment lorsque des soins sont nécessaires, centrées autour des besoins propres de chaque famille par un ensemble de professionnels, agissant dans une cohérence suffisante de lanté au postnatal.
Ces deux objectifs, qui concourent à la qualité des collaborations interprofessionnelles, suppose la reconnaissance par les équipes obstétricales et pédiatriques de la place des professionnels qui ont été choisis par la femme enceinte (médecin généraliste, sage-femme, assistante sociale...) même si leur implication évolue selon les étapes. Ainsi, sera donné aux familles une bonne lisibilité des rôles de chacun, lisibilité rendue possible par une communication entre professionnels et un travail de liaison dans le respect de la confidentialité due aux familles. Cette qualité des pratiques partenariales participe à rendre les familles actrices de leur projet de naissance.
- à la mise en place de formations, élément clé et incontournable afin que lensemble des professionnels et des institutions apprennent à travailler ensemble. Ces formations seront spécifiques et adaptées et auront pour principal objectif daméliorer la qualité de ces collaborations (cf. partie II).
Enfin, la mise en place dun entretien précoce permettra non seulement douvrir le dialogue et de recueillir les facteurs de vulnérabilité, mais également constituera en soi un premier point dentrée dans ce processus de collaboration. Cet entretien, tel quil est présenté dans la première partie du plan périnatalité et dont la fiche vous est jointe en annexe II, sera réalisé au 4e mois de grossesse, sous la responsabilité dune sage-femme ou dun autre professionnel de la naissance disposant dune expertise reconnue par le réseau de périnatalité auquel ils appartiennent.
II. - LA FORMATION : OUTIL PERMETTANT
LA MISE EN PLACE DE CES COLLABORATIONS
Il sagit de formations à caractère interdisciplinaire, centrées sur la clinique, permettant de se représenter les rôles des différents professionnels, leurs spécificités, leurs articulations, cela dans un esprit de cohérence et de continuité. Il importe également de créer des espaces de rencontre, qui permettent une communication plus subjective des difficultés rencontrées par lensemble des professionnels concernés. Cest dans cette perspective que le caractère interactif de ces formations est nécessaire et fondamental dans la mesure où il permet aux intervenants de penser à partir de leur propre place, évitant ainsi tout risque de confusion des rôles.
Les objectifs de ces formations sont multiples et il sagit notamment de :
- développer « lesprit de réseau » sur un terrain dexercice (ville, département, etc.) ;
- augmenter la compétence des professionnels de première ligne ;
- acquérir des règles de travail en commun de la grossesse à la petite enfance, entre les champs sanitaire, social et médico-social ;
- apprendre à anticiper les passages dun professionnel à lautre par des liaisons personnalisées ;
- apprendre les règles de transmission interprofessionnelle qui respectent la place des parents ;
- prendre en compte les actions menées par les différents acteurs concernés pour ainsi permettre une vision et une évaluation globale de la prise en charge ;
- apprendre à mettre en parallèle dynamique familiale et dynamique professionnelle et leurs interactions ;
- apprendre à présenter des dossiers difficiles devant un groupe en respectant la différence des places et la confidentialité ;
La méthode pédagogique pourrait consister à :
- constituer, pour une session de formation, un groupe de professionnels de tous champs et disciplines (public/privé/libéraux, social/médical/psychique, médecins généralistes, gynécologues médicaux, obstétriciens, pédiatres, psychologues, sages-femmes, puéricultrices...) ;
- choisir, avec un recul suffisant, une situation ayant soulevé des difficultés particulières, pour en analyser les dysfonctionnements, en réunissant un maximum dacteurs de tous les services concernés ;
- sassurer du concours dun professionnel expérimenté (psychiatre ou psychologue), formé à lanimation de groupes pluridisciplinaires, connaissant les implications de tous les postes professionnels, afin dêtre en mesure déviter lécueil des « procès mutuels » et ainsi pouvoir décrire des « processus de fonctionnement ».
Il ne sagit donc ni dune synthèse, ni dune évaluation, ni dun groupe Balint, mais dune occasion de repérer les modalités de travail et la cohérence de lensemble des professionnels concernés autour dune famille vulnérable. Cela, en utilisant la présentation du cas clinique choisi pour faire travailler le groupe sur limplication de chaque professionnel à partir de sa propre place.
III. - DES MISSIONS ET UN POSITIONNEMENT PARTICULIERS POUR LES PSYCHOLOGUES, LES PSYCHIATRES ET LES PÉDOPSYCHIATRES INTERVENANT DANS LE CADRE DE CES COLLABORATIONS
Outre lintervention clinique directe auprès des femmes et de leur famille, selon des critères de recours élaborés avec lensemble des soignants, ces professionnels ont une mission de soutien des prises en charge effectuées par les professionnels de la naissance, au sein des maternités comme en pré et postnatal. En effet, lorsque ces professionnels ny sont pas préparés, il existe une tendance forte à orienter rapidement la prise en charge de toute manifestation émotionnelle vers un « spécialiste de lécoute ». Lobjectif est donc daccroître la sécurité des intervenants de première ligne, acteurs essentiels de la mise en confiance de la femme enceinte et du futur père dans le système de soins. Les conditions de cette sécurité renvoient à la formation, à lexpérience des réponses possibles dans les cas difficiles, à lorganisation dun service ainsi quà la cohérence inter-services.
Dans cette perspective, les psychologues, les psychiatres et les pédopsychiatres intervenant en maternité doivent avoir pour mission daider les intervenants de première ligne à mieux prendre en compte les besoins psychiques des patientes et veiller ainsi à ce que ces patientes ne soient pas adressées trop rapidement à un psychiatre ou un psychologue, notamment lorsquelles ne sont pas prêtes à effectuer cette démarche.
Pour répondre à ces missions, ils doivent, adapter leurs pratiques à celles des professionnels du soin somatique, en maternité, en se rendant disponibles pour les moments de transmission, en sadaptant aux contraintes de temps inhérentes au fonctionnement de ce type de services (durée limitée de lhospitalisation) ainsi quaux situations cliniques urgentes et/ou imprévues.
Il sagit de veiller particulièrement à ce que les psychologues, les psychiatres et les pédopsychiatres intervenant en maternité, soient une force de liaison à la fois en terme de soutien des professionnels en interne et en terme de relais avec les spécialistes du soin psychique, tant en secteur public quen secteur privé.
Il est enfin fondamental de veiller à ce que ces professionnels ne soient pas isolés au sein des maternités. Il convient, par exemple, de les inciter à se regrouper à léchelle dun département ou dune région afin notamment quils mettent en commun leurs expériences et de faciliter de telles rencontres.
Pour aboutir à ce positionnement particulier en maternité, le recrutement de ces professionnels répond à certains critères :
- généralisation de leur présence à léchelle des départements permettant à toutes les maternités den bénéficier avec possibilité dexercice partagé entre plusieurs établissements ;
- recrutement par les directions hospitalières sur avis conjoint des services concernés (obstétrique, pédiatrie, PMI, psychiatrie) ;
- organisation dun lien avec les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile, par une participation minimale (de une à trois demi-journées...) à lactivité de ces secteurs pour faciliter la continuité des soins, sortir de lisolement, participer aux régulations cliniques et aux formations en réseau.
En conclusion il vous est demandé de :
1. Procéder à un état des lieux régional préalable :
Les commissions régionales de la naissance (CRN) doivent initier et analyser un état des lieux à la fois quantitatif et qualitatif. Cet état des lieux doit être loccasion de repérer lensemble des acteurs concernés (notamment les psychologues, les psychiatres et les pédopsychiatres) et le fonctionnement des collaborations quand elles existent (points forts, points faibles, difficultés rencontrées, perspectives damélioration...).
2. Dencourager sur lensemble du territoire le développement des réseaux de périnatalité associant la ville, la PMI, lhôpital et lensemble des acteurs concernés relevant des champs médico-social et social. Conformément à ce qui a été annoncé dans le cadre du plan périnatalité (cf. annexe III), ils seront financés sur la dotation nationale de développement des réseaux. Ces réseaux constituent un outil, un support juridique pour mettre en oeuvre ces collaborations et organiser les formations pluridisciplinaires, nécessaires à ce fonctionnement, conformément aux orientations décrites au II de la présente circulaire. Le suivi de ces collaborations pourra seffectuer dans le cadre des procédures dévaluation prévues lors de la mise en place des réseaux de périnatalité.
3. De répartir, en fonction de lanalyse des besoins identifiés localement et si les collaborations médico-psychologiques envisagées correspondent aux principes énoncés dans la présente circulaire, les moyens prévus dans le cadre du plan périnatalité pour le recrutement des psychologues.
Nous vous remercions de bien vouloir assurer la diffusion de cette circulaire et de ses annexes aux établissements de santé, à la commission régionale de la naissance de votre région ainsi quaux réseaux périnatalité existants, lobjectif étant que la majorité des professionnels concernés et impliqués par le développement de ces collaborations puissent en prendre connaissance.
Nous vous saurions gré de bien vouloir nous faire part des difficultés éventuelles que vous pourriez rencontrer dans la mise en oeuvre des recommandations de cette circulaire, en prenant contact pour la direction de lhospitalisation et de lorganisation des soins avec les bureaux O1 et O2 au 01-40-56-40-39, 01-40-56-59-88, pour la direction générale de santé avec le bureau SDS6C au 01-40-56-54-77.
Nos services sont, en outre, à votre disposition pour toute information et concours qui pourraient vous être utiles.
Pour le ministre et par délégation : Le directeur de lhospitalisation et de lorganisation des soins, J. Castex |
Pour le ministre et par délégation : Le directeur général de la santé, Pr. D. Houssin |
Périnatalité et prévention en santé mentale
collaboration médico-psychologique en périnatalité
Introduction :
Le rapprochement des divers acteurs concernés par le développement global de lenfant est une donnée récente au sein de la médecine. La culture du monde « somatique » et la culture du monde « psy » sont devenues moins étrangères lune à lautre, créant une nouvelle donne anthropologique : loffre aux familles vulnérables dun environnement professionnel désormais sensibilisé aux enjeux affectifs de la naissance, capable de déjouer le processus de répétition transgénérationnelle, dans des conditions dexercice individuel et collectif à promouvoir.
A partir dune meilleure maîtrise de la mortalité périnatale les médecins ont pu regarder en face les limites de leur technologie, quils avaient pu vivre comme leurs « échecs », sentiment qui freinait alors la possibilité de travailler sous le regard des autres. Le diagnostic anténatal - et les décisions graves quil entraîne - a consacré le rapprochement obstétrico-pédiatrique et lappel à une « aide à penser » lorsque les émotions surgissent avec violence, chez les parents mais aussi chez les professionnels devenus plus disponibles à la dimension affective.
En pédopsychiatrie, une fois dépassée limpuissance devant des enfants amenés trop tard en consultation, les années 1980-90 ont vu se développer de puissants axes de recherche. Ils ont produit une masse considérable de connaissances, encore kaléidoscopiques et sopposant parfois les unes aux autres. Même au sein du milieu psychanalytique, le débat a été longtemps passionnel, offrant aux partenaires des autres disciplines limage dun champ de bataille où les guerres décole entravaient pour une part les possibilités de collaboration.
Laccès à la contraception a amené des changements très profonds dans le statut de lenfant, de la mère, du père. En même temps les techniques de reproduction humaine ont absorbé une bonne part de la réflexion éthique sur des questions qui ne touchent en fait quun nombre très limité de familles. Par contre la fragilité des liens parents/enfant, la complexité de la construction psycho-affective de lêtre humain, relancent - souvent trop tard - linquiétude du monde professionnel, quand ce nest pas celle de la société dans son ensemble, face à certains tableaux psychopathologiques (problèmes de ladolescence, violences familiales, toxicomanie, etc.). En témoignent le débordement des consultations pédopsychiatriques, la difficulté à maîtriser les problèmes de comportement des jeunes, les nouvelles formes de pathologie psycho-sociale, le malaise au sein de la psychiatrie.
Le souci davancer dans ce sens a amené la DHOS à créer une mission centrée sur les modalités de collaboration entre les acteurs du champ psychique et les acteurs en périnatalité, au moment où lenfant construit sa sécurité de base, et où un homme et une femme construisent leur identité parentale. Le rapport Bréart-Rozé-Puech de la mission « périnatalité » et certains éléments du rapport Cléry-Melin pour la psychiatrie confirment la convergence didées fondamentales, concernant le rôle des professionnels de la naissance, clé dune politique de prévention.
CONSENSUS DE BASE ET AXES DE RÉFLEXION
1. Consensus de base
De lavis de tous, lintérêt daccélérer la prévention des troubles du développement psycho-affectif des enfants, en améliorant dès la grossesse la sécurité émotionnelle des parents et en mobilisant leurs ressources, est largement admis. Le rôle structurant dun réseau professionnel fiable, centré sur chaque famille, sappuyant sur lexpression de ses besoins propres, agissant dans une cohérence suffisante de lanté au post-natal, relève désormais de lévidence intellectuelle, mais nen est quà un début dapplication.
Lénormité de la tâche, lorsquil sagit de parents bousculés par la vie, la complexité des registres dans une telle prévention, est aussi au premier plan. Comment penser lensemble ? Bien souvent, les désordres familiaux nont eu dégal que le désordre des actions menées dans le champ médical, social et/ou psychologique/psychiatrique. Il existe donc un énorme potentiel détayage vis-à-vis des familles vulnérables, au travers déjà dune meilleure coordination des interventions. Reste à opérer un changement culturel profond dans un système largement fondé jusqualors sur la réparation après-coup et sur le fonctionnement auto-centré des institutions.
La conscience est largement répandue que persistent des effets pathogènes liées à certaines pratiques professionnelles, malgré les progrès de ces vingt dernières années. Le cloisonnement des services et des institutions, la mise à lécart durant plusieurs décennies de la dimension affective au cours du processus de naissance, le non-respect de la physiologie et des émotions de la femme et de lenfant, le manque dattention à la place du père, ont été repérés comme entravant la construction des liens familiaux et favorisant la maltraitance, ce qui a été confirmé par des publications déjà anciennes. Par contre les effets positifs obstétrico-pédiatriques dun accompagnement personnalisé, en cours de grossesse et au moment de laccouchement, ont également été décrits depuis fort longtemps (en particulier sur le taux de prématurité et de césariennes).
Un tournant samorce dans les modes de pensée : la sécurité médicale, sociale et émotionnelle des parents doit trouver ses bases en amont, et pas seulement en aval. Il sagirait de déplacer une part de lénergie sur une meilleure écoute dès le début de la grossesse, écoute nécessaire si lon veut anticiper un accompagnement ajusté à chaque étape du processus de naissance puis au domicile. En effet, une fois lenfant né et rentré à la maison, lexpérience montre que les parents risquent de se replier sur leurs difficultés, du fait de leur culpabilité ou de leur peur dêtre jugés. Lexemple le plus frappant est la méconnaissance de la dépression du post-partum qui échappe à la consultation post-natale classique et à lensemble des intervenants. Pourtant les études ont montré que les signes prédictifs de cette dépression étaient repérables pendant la grossesse et au décours de laccouchement.
Un accord général se dessine quant au peu dintérêt des « grilles de facteurs de risque » concernant la sécurité affective des futures mères, cest-à-dire leur intimité. Leur maniement peut aboutir à stigmatiser les personnes par le négatif et augmenter leur sentiment de dévalorisation. Par ailleurs les indicateurs les plus pertinents de malaise possible dans la construction des liens familiaux échappent aux grilles de risque classiques. Ils ne peuvent se dégager quau travers dune authentique rencontre, qui permet à la femme et/ou son conjoint de confier les angoisses, les traumatismes actuels ou anciens qui pourraient faire le lit de difficultés ultérieures. Parfois le professionnel percevra un malaise dans la communication qui éveillera sa vigilance mais qui naurait pu se déceler au simple interrogatoire, hors dune rencontre suffisamment bienveillante et prolongée.
Il nest plus à démontrer que la grossesse est le moment idéal pour ouvrir le dialogue avec les futurs parents, avant quils ne se sentent en échec, mais au contraire dans une dynamique axée sur lespoir de donner la vie - et une vie quils voudraient souvent meilleure. Ils rencontrent là des professionnels qui se sensibilisent peu à peu aux enjeux affectifs de la naissance, concernant le devenir de lenfant et des parents eux-mêmes. Ils peuvent se confier au médecin, à la sage-femme, qui justement ne sont pas des spécialistes de lécoute, mais se trouvent dans une sollicitude soignante et dans une proximité qui mobilise, dans ce moment psychique particulier de lattente dun enfant, des éprouvés renvoyant à leurs propres expériences infantiles (rappelons que cette mobilisation émotionnelle est nécessaire à lajustement aux besoins dun bébé).
La reconnaissance, la valorisation, le soutien de ce rôle premier des professionnels médicaux (gynécologue-obstétricien, sage-femme, médecin généraliste), hors duquel il est inutile de penser une véritable prévention, pose déjà de nombreuses questions. Leurs conditions de travail, leur disponibilité, revêtent là une importance majeure, même si leur traitement ne relève pas strictement de cette mission.
Il existe une tendance forte à réduire la prise en charge des émotions à une consultation vers un « spécialiste de lécoute ». Or la communication humaine, surtout dans ce domaine de la périnatalité, passe aussi par du « non verbal » : bienveillance dans le premier accueil, qualité de présence et de regard, respect dans la manière de toucher le corps, continuité et cohérence des professionnels entre eux..., transparence des transmissions.... Ces éléments, qui résistent aux techniques dévaluation classique, constituent pourtant le moteur essentiel de la mise en confiance de la femme enceinte et de son conjoint dans le système de soins - première étape dun processus de changement chez les personnes particulièrement bousculées par la vie. Se sentir accueilli tel quon est devient ainsi la meilleure préparation pour que les parents accueillent leur enfant tel quil est.
Il nest pas de dialogue sans cet état desprit qui rend le professionnel disponible, et qui imprègne les manières de faire et dêtre. Pour cela le professionnel - et lensemble des intervenants - ont besoin de se sentir eux-mêmes en sécurité. Il reste à décliner les conditions de cette sécurité, qui renvoient à la formation, à la connaissance des réponses possibles devant les cas difficiles, à la politique dun service, à la cohérence inter-services, au soutien émotionnel des acteurs...
Les pédopsychiatres entendent, lors des consultations ultérieures pour un trouble de lenfant, labsence de dialogue, mais aussi des paroles blessantes, des attitudes décalées, des sensations dabandon... qui sont venus en quelque sorte verrouiller des éléments douloureux anciens dans un moment où les parents sont très sensibles à leur environnement. Par contre la capacité des professionnels à reparler avec les parents de ce qui a pu être difficile, sans invalider les autres acteurs, représente pour les parents un remarquable modèle éducatif : la capacité à reconnaître compétences et limites mutuelles, comme ils auront à le faire avec leur propre enfant pour ne pas lenfermer dans leurs propres angoisses ou leur désir de réparation. Ceux qui travaillent en maternité ont fait lexpérience que la capacité du professionnel à reprendre avec la famille ces « dérapages relationnels », clashes ou maladresses, offre un mode daccès à la vie psychique des parents les plus fermés et peut aider à la réorganisation intérieure de traumatismes anciens - traumatismes non décelables au simple interrogatoire et dont on sait quils font le lit de la maltraitance et de certaines formes de psychopathologie.
Les parents dénoncent aussi lincohérence, le manque de continuité, les attentes non justifiées, les désaccords perçus entre professionnels. A linverse, la perception dun environnement cohérent a des effets psycho-dynamiques remarquables. Ainsi le concept de « réanimation psychique », en cas de naissance à haut risque émotionnel, sest imposé au vu des effets immédiats dune très précise coordination interprofessionnelle de lante au post-natal, effets que des consultations psychologiques classiques nobtiendraient pas. Peu à peu sest clarifiée la nécessité dofficialiser ce rôle de coordination, qui doit être personnalisé dans les cas les plus délicats, mais qui doit être intériorisé par lensemble des acteurs, faute de quoi la notion de « travail en réseau » se viderait dune grande part de son efficacité sur la famille elle-même. Les conditions pour que se généralise une « culture du travail en réseau » sont à décliner.
Par contre, les spécialistes du psychisme sont désormais admis, accueillis, sollicités dans les maternités et dans lensemble du système médical, (malgré quelques résistances résiduelles qui méritent dêtre analysées).
Quest-ce qui freine encore, sachant par ailleurs linflation de la demande de consultations pédopsychiatriques, la fréquence des états dépressifs non repérés chez les mères, le nombre denfants placés, et en même temps la méfiance persistante des familles les plus en souffrance vis à vis du système médico-psycho-social ?
2. Les axes de réflexion
Les professionnels entendus au cours de la mission soulignent que largument premier de la plupart des acteurs se résume au départ à : « pas de temps, manque de moyens ». Certes cette question est cruciale en cette période et en certains lieux, mais largument « manque de temps » a toujours été invoqué, même dans un passé moins difficile, masquant dautres difficultés. Or, des améliorations considérables ont pu se constater sans moyens supplémentaires significatifs (volonté dun obstétricien, dun pédiatre ou dune sage-femme à susciter une autre dynamique, présence dun « psy » ajusté à ce type de travail...). La politique du « bricolage » a fait ses preuves et permet daborder avec plus de précision la question des moyens en psychothérapeutes qui doit saccompagner dune réflexion qualitative : quel psy, et pour faire quoi, avec quelle formation ? De même, la disponibilité émotionnelle des soignants passe par le temps, mais aussi par un ensemble de facteurs de sécurité personnelle et collective.
Encore une fois il serait absurde déliminer la question dune base minimale de moyens humains et de dispositifs hors desquels toute politique de prévention est vouée à léchec.
Mais il a fallu souvent insister pour que dautres problèmes se disent, dont parfois les acteurs nont pas une vraie conscience, ou nosent lexprimer, et qui relèvent plus du qualitatif que du quantitatif. Si des moyens sont nécessaires, ce nest pas forcément là où on les attendrait.
Parfois des moyens existent mais sont inopérants ou sannulent mutuellement, particulièrement dans le champ psy.
La non-communication ou lignorance mutuelle de divers professionnels autour dune même famille satténuent, grâce entre autres à la politique active de mise en place de réseaux. Si un début daccès à des formations interdisciplinaires apporte une meilleure connaissance mutuelle, les difficultés de communication entre prrofessionnels et services persistent cependant. Il suffit danalyser une situation dans la continuité pour constater les superpositions, les divergences de paroles ou dattitudes que subissent encore les familles, le manque dajustement des actions, la tendance du système spécialisé à ignorer le réseau de proximité (médecin généraliste, travailleuse familiale, etc. selon les cas).
Des questions aiguës se posent :
A. - En termes de dispositifs :
Les conditions nécessaires à un repérage précoce des facteurs de vulnérabilité somatique, sociale, émotionnelle, avant la survenue déventuelles complications obstétricales où le stress peut jouer un rôle accélérateur.
La lisibilité des collaborations entre les services dobstétrique et de pédiatrie néonatale et les spécialistes « psy ».
La reconnaissance administrative et financière du temps découte et de liaison pour quils ne dépendent pas seulement de la bonne volonté individuelle.
Lintégration du secteur libéral dans une politique de prévention.
B. - Sur le plan qualitatif :
Peut-on élaborer des « guidances daccompagnement » qui simplifieraient le repérage pour les équipes soignantes, tout en respectant la singularité des terrains ?
Existe-t-il des indicateurs dintervention psychologique en périnatalité, ou des modalités de collaboration médico-psychologique qui relèveraient dun consensus ?
Existe-t-il des règles de transmission interprofessionnelle qui permettent à la famille de rester au centre du réseau de soins et de maintenir sa confiance dans le système ?
Qui peut ou doit assurer lanimation du réseau de soins personnalisé autour de chaque famille pour que soient maintenues cohérence et continuité de lanténatal à la petite enfance ?
Comment apprendre à penser et à travailler ensemble autour des familles vulnérables qui font lobjet dinterventions multiples ?
Quelles formations pour les soignants afin quun nouvel état desprit se généralise ?
Quelles formations pour les psychologues et psychiatres pour quils sajustent mieux à une pratique neuve ?
Apprendre à travailler ensemble, sous lévidence, nest encore quun objectif à atteindre qui bute sur de nombreux obstacles, malgré des avancées instructives ici ou là. Lanalyse sest donc centrée sur quatre points essentiels :
A. La collaboration médico-psychologique en périnatalité.
B. Lanimation des réseaux de soins autour de chaque famille.
C. La formation psychologique des acteurs de la périnatalité.
D. La formation des psy à la clinique périnatale et au travail en commun.
A. - La collaboration médico-psychologique
Le concept « collaboration » na pas été jusqualors un objet de recherche en soi, si bien que chacun reste avec des impressions positives ou négatives, beaucoup de silence, et peu de facilité pour se dire mutuellement ce qui ne va pas.
En général les psy critiquent aisément le monde médical, mais linverse nest pas vrai. On a limpression quen cas dinsatisfaction, le responsable de service sattribue léchec, ou nose interroger le spécialiste dune discipline qui nest pas la sienne. Il est très récent dentendre énoncer, de la part du monde obstétrico-pédiatrique, une demande de clarification des modalités de collaboration.
Nous avons retrouvé un certain nombre déchecs enfouis comme des traumatismes. Sans la connaissance du terrain de certains membres de la mission, ces contentieux ne se révèleraient pas. En « grattant », sest révélée la présence souvent ancienne de psychologues ou psychiatres totalement décalés par rapport aux attentes des services, ce qui a amené à réfléchir sur les conditions dexercice de ces « psy ». Chez des médecins perçus comme « résistants » à la collaboration se retrouvent parfois ces expériences traumatiques, alors quils ont pu se montrer intéressés par le passé. Il existe aussi de nombreuses expériences heureuses, qui renvoient à des modèles très divers quant aux moyens ou au statut des psy.
A titre dexemples :
Dans un CHU important en nombre de naissances, trois catégories de psy interviennent, dappartenance différente, en rivalité, sans communication. Ceci peut aboutir à ce quune même mère rencontre plusieurs psy sans communication entre eux.
Sur une région, létat des lieux montre quaucun service hospitalier ne sest doté de moyens propres en psychologue ou vacations pédopsychiatriques. Pourtant les collaborations existent et progressent, dans des conditions précaires. Un seul service est doté dune psychologue statutaire : elle est arrivée sans formation, mal à laise, et le service ne sait comment lui permettre de travailler, doù un malaise généralisé.
Dans un service de niveau 3, un psychiatre formé à la clinique périnatale est apprécié pour le soutien quil effectue auprès des équipes en même temps que ses qualités cliniques. Un autre pédopsychiatre vacataire prend le contre-pied de ce travail, critique lengagement des sages-femmes, tout en animant des formations en périnatalité sur un modèle psychanalytique classique. Les sages-femmes se sentent en danger de perdre leur place.
Dans un niveau 2, lobstétricien, après une mauvaise expérience de collaboration avec un psy, met en place des rencontres avec les services extérieurs et sengage fortement auprès des mères : résultats immédiats sur le taux de maltraitance ultérieure qui diminue.
a) Des facteurs de collaboration « heureuse ».
(« Heureuse » : quand les partenaires sentendent pour la qualifier ainsi.)
A première vue, ils pourraient se résumer à la qualité de rencontres interpersonnelles. La personnalité, la sensibilité des uns et des autres jouent bien sûr un rôle essentiel. Ainsi lon entend de la bouche dun obstétricien : « il vaut mieux une psychologue fraîche émoulue de la faculté et de bonne volonté, quune psychologue expérimentée mais « déformée » par des pratiques non adéquates ou enfermée dans ses propres schémas issus dautres champs dexercice ».
Du côté des soignants, sont appréciés :
- lintérêt du psy pour leur propre place, voire leur propre malaise, intérêt qui sexprimera par la participation du psy aux activités du service (staffs, relèves etc...) ;
- la disponibilité, cest-à-dire ladaptation des réponses au rythme de lobstétrique (et de la pédiatrie néonatale) : rendez-vous rapides, présence dans les murs, retour dinformation immédiat... ;
- une communication aisée, débarrassée dun vocabulaire inadéquat, et adaptée à la disponibilité des soignants qui ont des contraintes incontournables (trouver le moment où lon peut se parler);
- le souci de la place « psychologique » des médecins et équipes, qui se traduit par la transmission doutils relationnels, plutôt que le transfert en létat du contenu des consultations psychologiques, a contrario le refuge dans la confidentialité ;
- la sensation dune recherche collective où chacun joue un rôle dans la construction des liens familiaux ;
- la capacité à entendre que, derrière la demande de voir une patiente, il y a bien souvent la demande du professionnel de ne pas rester seul.
Du côté du psy, une fois compris quil sagit dun travail difficile dans le champ des autres, sont cités :
- le sentiment dêtre reconnu dans sa spécificité mais aussi dans ses difficultés (sortir de lidéalisation = le psy qui va tout résoudre) ;
- la confiance manifestée au travers des appels, mais aussi invitation aux activités du service, aux réunions scientifiques...(= intégration à léquipe) ;
- lintérêt pour une activité clinique neuve, fascinante par ses ressorts psychodynamiques ;
- le fait de se sentir soutenu dans les moments difficiles, de bénéficier dune fonction tierce (médecin, cadre...) quand lui-même est mal à laise ;
- la sensation dune dynamique appuyée sur un politique de service ;
- la possibilité de ne pas être seul dans son propre champ pour garder une place différenciée et ne pas se sentir « immergé » ;
- la possibilité dallier travail clinique direct et indirect (en 2e ligne), ce qui pose la question des moyens.
Les collaborations « heureuses » sont évolutives : les indicateurs dappel au psy se nuancent au fur et à mesure que sapprofondit la compétence des professionnels de première ligne, le rapport « intervention directe / intervention indirecte » se modifie, permettant au psy de consacrer son énergie aux cas les plus difficiles, au travail de liaison, à lévaluation, etc.
b) Les difficultés
Vues par les soignants (rappelons quil faut aller les chercher car elles ne se disent pas aisément, le malaise nétant pas toujours accroché à des éléments repérés) :
- toutes les causes de mauvaise communication (langage, désintérêt ressenti, etc.) ;
- manque de culture médicale du psy ;
- transmission de concepts inutilisables ;
- caricature du psy enfermé dans son bureau, parfois attendant les demandes dans son propre service sans mettre les pieds à la maternité ;
- le décalage dans le rythme du travail (lintervention rapide du psy - au moins par téléphone - exerçant en soi une fonction de réassurance pour léquipe, même sil ne voit pas la patiente) ;
- le ou les psy venant avec leurs propres exigences, déconnectées des réalités médicales, parfois « armés », en équipe, sans entendre les demandes du service ;
- la transmission doutils perçus comme intrusifs, hors protocole détude (observation, questionnaires...) - même si certains soignants y adhèrent ;
- le peu dintérêt marqué pour la place des médecins et équipes, voire la réticence à reconnaître leur rôle dans la vie émotionnelle des patientes ;
- le désordre du champ psy : conflits entre psychologues et psychiatres, entre psychiatre denfant ou dadulte, extrême variabilité des réponses selon les intervenants psy (à noter que derrière cette diversité, les équipes sentent des enjeux de territoire ou de pouvoir).
Vues par les psy :
- manque de temps, manque de moyens ;
- pas de reconnaissance (pas de bureau, pas de demande...) ;
- « résistances » des soignants à la dimension psychologique ;
mais aussi :
- difficultés à prendre la parole dans les réunions médicales ;
- manque de formation adaptée ;
- violence des projections reçues autour de certains cas... ;
- isolement...
Ces difficultés ne se disent pas aisément et se cachent derrière la plainte de ne pas être reconnu, pas demandé, de manquer de temps, etc. Elles sexpriment fortement lors des formations adéquates.
Par contre, on constate que de plus en plus de psychologues en maternité (ou des pédopsychiatres) sorganisent sur un département, une région, avec des collègues pour se soutenir, mettre en commun leurs expériences, etc., bref sortir de leur isolement. Ceci constitue un élément rassurant pour les équipes médicales, conscientes des difficultés dans les quelles peuvent se trouver certains psy immergés sans préparation dans une culture radicalement différente.
B. - Lanimation des réseaux de soin précoces
Le débat a porté :
1. Sur la définition du terme réseau, actuellement source de confusion. On sent que cette pratique nécessite une « grammaire » commune qui na pas encore tout à fait établi ses propres règles : faut-il un coordinateur, un référent ? Qui est inclus dans le réseau ? Quelles exigences de fonctionnement, de formation, quelle place pour le psy... ? On entend encore sur les terrains des professionnels, psychiatres y compris, dire : « on lance le réseau », « je vais créer mon réseau », « comment faire quand plusieurs réseaux sont impliqués dans un même cas ? »
Pour les acteurs sensibilisés, cest lesprit de réseau qui importe, et qui est difficile à mettre en place : comment se relier entre professionnels choisis par la femme enceinte, garder sa place en respectant celle des autres, noublier personne, et offrir ainsi aux familles qui le nécessitent une sorte « denveloppe » humaine souple, caractérisée par la lisibilité des rôles en même temps quune prise de risque relationnel (pour reprendre lexpression de parents qui se sont sentis « réanimés psychiquement » par une équipe médicale : « chacun était à sa place et les places bougeaient »).
Linterrogation sur la transmission dinformations est centrale et, malgré les écrits sur ce thème, ressortent encore chez la plupart des acteurs des questions multiples : quest-ce quon se transmet, quelles règles se donner, la confidentialité, etc.
A ce propos sont évoqués les diverses réunions « périnatalité », « staffs de parentalité », qui se sont multipliés ces dernières années. Ces rencontres interdisciplinaires ont permis une meilleure connaissance mutuelle et favorisent le travail de liaison. La limite invoquée tourne souvent autour de la confidentialité. A lextrême, soit les staffs parlent des dossiers difficiles devant des personnes qui ne sont pas directement impliquées et lon se demande ce quil advient de ce déballage dintimité, soit on ne parle pas de cas et les réunions finissent par tourner en rond.
Ces réflexions mettent laccent sur la nécessité de partir de la femme enceinte, des professionnels les plus proches delle, et délargir peu à peu à dautres intervenants, sans que personne ne disparaisse, même si limplication directe de chacun évolue selon les étapes.
Par exemple, le gynécologue-obstétricien ou le psychiatre na pas le sentiment que le médecin généraliste disparaît - il ne la pas dans la tête - mais pour les parents, cet effacement des uns par les autres nest pas sans résonner avec ce quils ont pu connaître dans une histoire troublée : la difficulté à maintenir un fonctionnement triangulé, sans gommage des places respectives. A contrario, la capacité des professionnels à penser la place des autres constitue pour certains parents bousculés dans leur trajectoire une sorte de révélation dune autre manière dêtre ensemble, véritable support identificatoire dans léducation de leur enfant.
La transmission interprofessionnelle doit être abordée avec la plus grande rigueur. Elle constitue ce par quoi se tisse un environnement humain : « Comment parlons-nous ensemble dune même famille ? ». Quasiment tous les acteurs ont fait lexpérience du choc éprouvé par les parents lorsquils prennent conscience dune transmission faite « dans leur dos », surtout si elle a concerné des éléments perçus comme « négatifs » (un diagnostic, un comportement, une décision médicale ou sociale pour leur enfant). On voit bien émerger les prémices dune démission parentale, ou la perte de confiance des couples dans le système, se traduisant par un repli/refus avec ses conséquences en retour sur le comportement des professionnels. Alors quune transmission élaborée avec la femme elle-même lui donne le sentiment dêtre active dans lanimation du réseau autour delle - composante essentielle de la prise de confiance.
2. Sur les conditions permettant que la femme (le couple) soit acteurs de leur propre projet de naissance et donc animateurs du réseau professionnel.
Le débat actuel sur un entretien proposé de manière systématique autour du 4e mois de grossesse, pour lequel les sages-femmes paraissent les mieux placées, prend là tout son sens, la mise en place ou le maintien du réseau de proximité étant le seul moyen de freiner léchappée vers une succession de spécialistes.
Les consultations médicales classiques, de courte durée, ont fait la preuve de leur inefficacité dans le registre émotionnel. Les futurs parents ne peuvent sexprimer, sont rassurés trop vite, nimaginent pas que ce quils éprouvent peut intéresser le médecin...
Le souhait de transmettre des « messages de santé publique » tombe à plat tant que la femme enceinte na pas pu dire ses propres sentiments concernant la venue dun enfant, ses questions quant aux explorations techniques (triple test, amniocentèse, etc.).
Un entretien précoce avec un professionnel de la naissance permettrait non seulement douvrir le dialogue, de recueillir les facteurs de vulnérabilité, mais constituerait en soi un premier point de sécurité, sans quun appel au « spécialiste psy » nintervienne trop vite, de manière non préparée, éventuellement dévalorisante pour la femme.
En effet les « psy » sont de plus en plus sollicités quand surgit une angoisse, ou à loccasion dévènements existentiels, tels la perte dun enfant, sans quait été activée la relation avec le médecin de famille sil existe, ou le rôle daccompagnement des sages-femmes (puéricultrices, aides-soignantes...).
On peut sinterroger sur le message implicite que constitue la proposition systématique dune intervention psychologique dans les souffrances existentielles : « vous avez besoin dun psy pour affronter la douleur » - même si cette opportunité représente un gain sur le passé - mais à utiliser avec précaution. Dans le même registre, la proposition trop rapide dun « psy » peut entraîner la perte de valeur des professionnels de première ligne dans ce rôle quils souhaitent de plus en plus intégrer à leur pratique.
Il faut peut-être réaffirmer que le registre émotionnel passe par la subjectivité et quaucune politique de prévention dans le domaine des troubles de la relation parents-enfant ne peut faire léconomie dun authentique dialogue. Si lon rate lopportunité du suivi de la grossesse pour ouvrir ce dialogue, tout sera plus difficile par la suite, les parents nayant pas fait lexpérience du soulagement quils éprouvent à se confier, sans être jugés, et de leur capacité à mobiliser laction professionnelle autour deux de manière ajustée à leur vécu.
C. - La formation psychologique
des professionnels en périnatalité
Du côté des médecins, la pauvreté des formations de base est connue. Dans la pratique, on voit se dessiner un clivage entre les gynécologues-obstétriciens de culture « chirurgicale » dune part, plus réticents à lintroduction des psy, plus demandeurs pour les fins de vie, les PMA, mais dans une difficulté de lecture vis à vis de la médecine foetale et des processus dattachement. Et les gynécologues-obstétriciens de culture plus « pédiatrique » au travers de la médecine foetale, amenés à travailler au coude à coude avec les pédiatres, généticiens etc..., et plus enclins - voire demandeurs, dune présence psychologique pour les patientes mais aussi dans un éclairage de leur propre réflexion. (avec toutes les nuances selon les endroits et les personnalités).
Quand aux pédiatres néonatalogistes, ils se sont depuis longtemps sensibilisés à la question de lattachement, depuis les travaux de Kempe et la connaissance du taux de prématurité dans la maltraitance (années 70-80).
Les médecins généralistes ont « bénéficié » du même désert pédagogique, et se débrouillent chacun dans son coin, avec une grande disparité. Il est intéressant de noter que lorsquon évoque leur place dans les familles « à problèmes », on entend : « ils nont pas le temps ». Or, lexpérience montre que lappel par un psychiatre denfants (ou adulte) dans un esprit de réciprocité, est toujours bien reçu. Par contre ces médecins souffrent grandement du peu daccessibilité du monde hospitalier.
La communication inter-professionnelle est un élément fondamental de formation mutuelle. Le monde psy est dans ce domaine encore frileux, habité par le fantasme quon voudrait transformer les médecins (ou autre soignant) en psychothérapeutes, et par manque de formation au travail indirect. Ainsi de nombreux pédopsychiatres jugent impensable de parler avec un médecin dun enfant quils nauraient pas vu eux-mêmes, cest-à-dire de réagir uniquement sur la place du médecin face à une famille. (cette réflexion sapplique à nimporte quel professionnel).
Sur la place des généralistes, il existe un malentendu : « ils ne suivent plus les grossesses », dit-on. Ce nest pas tout à fait exact, mais de manière générale ils souffrent de perdre le contact avec leurs patientes enceintes. Par contre, après la sortie, ils sont là, souvent oubliés des autres acteurs, et pourtant point de sécurité essentiel pour la famille (lorsquils existent évidemment), personnage de confiance dans la continuité. Leur rôle face aux dépressions du post-partum serait majeur sils étaient plus inclus dans lévaluation des situations, de lanté au post-natal - ce qui pose la question de lindemnisation du travail de liaison.
Quant aux équipes soignantes, la question de la formation est vaste. Nous partirons dun exemple venu dun membre de la cellule de pilotage, pédiatre dans une grande maternité. Elle dit : « les aides-soignantes en suites de couches auraient besoin de formation pour un meilleur dépistage des signes dalarme dans la relation mère-bébé ». Se trouvent ainsi posées les bases du débat :
- faut-il « dépister » ? Ou faut-il « rencontrer » les mamans ?
- les aides-soignantes en question sont-elles entendues dans leurs propres impressions ?
- que font-elles de ce quelles voient ou entendent ?
- quelle représentation ont-elles de leur rôle, de leur place dans une équipe ? Se sentent-elles reconnues dans une fonction de prévention ?
- jusquoù peut aller leur implication émotionnelle ?
- comment sont-elles accompagnées dans les cas difficiles ?
- quelles représentations ont-elles de ce qui peut exister comme soutien par la suite ?
- comment est introduite la proposition dune puéricultrice de PMI ? Ont-t-elles connaissance du réseau de proximité de la mère ? Quelles questions peuvent-elles poser ?
- osent-t-elles reprendre avec la mère le déroulement de la grossesse, de laccouchement.... ?
- osent-t-elles questionner sur un père absent, une grand-mère trop présente, sans se sentir elles-mêmes intrusives ? (mêmes questions pour nimporte qui dans léquipe, mais les aides-soignantes occupent une place privilégiée de proximité).
Toutes ces questions ouvrent la discussion sur :
- sagit-il de « formation » au sens classique du terme ? Sur quel mode ?
- sagit-il daugmenter la sécurité de léquipe ?
- de valider la place de chacun dans lintimité de la famille, et dans un projet de prévention ?
- de favoriser la prise de parole de chacun dans léquipe lors des reprises de cas ?
- de favoriser la participation à des formations interdisciplinaires qui permettent de mieux connaître les autres acteurs et de simpliquer sans danger, sachant que laccompagnement se poursuivra ?
Dans le cadre de la mission, nombreuses sont les personnes entendues qui ont participé à des formations réunissant tous les acteurs impliqués, basées sur la clinique et sur lexpression de la parole de chacun.
Un consensus se dégage sur :
1. La nécessité mais les limites des formations monodisciplinaires.
2. La dangerosité de formations théoriques plaquées faisant limpasse sur lexpression par les acteurs de leur propre ressenti (ou simplement la non-prise en compte dans ces formations de la place de chacun).
3. Lintérêt des rencontres pluriprofessionnelles : intra et extra-hospitalier, public/privé, médical/social/psy avec un objet commun.
4. La difficulté majeure à lorganisation de telles rencontres, pour des raisons essentiellement culturelles et administratives.
5. Le véritable « verrou » qui bloque en général laccès des libéraux à toute structure de prévention (concertations, formations...), puisque leur indemnisation est alors nécessaire.
Là encore, le problème nest pas tant un manque de moyens que la difficulté à sortir du raisonnement « chacun pour soi », « notre formation pour nos agents », que lon entend encore bien souvent.
Cependant, des expériences se mènent, à linitiative volontariste de quelques acteurs de terrain, et mériteraient que les ressorts nécessaires à leur réalisation soient activés.
Les « formations en réseau » qui ont débuté dans quelques villes peuvent servir de base pour étudier la difficulté de mise en place et les incitations à promouvoir.
A côté des formations au sens strict, il existe un autre mode de formation, cité plus haut : le travail en commun, et le travail indirect effectué par le psy (dit « travail de couloirs »).
Le travail en commun : entrer dans le champ de lautre, quel que soit cet autre, enrichit. Cest un apport fondamental du travail en commun. Accepter dêtre sous le regard de lautre permet de se regarder autrement, de penser autrement.
La présence dun psychothérapeute joue un rôle précis (sil sy prête) : se décentrer, penser ce que lon fait, mettre en mots ce que lon vit. Cest donc un enrichissement personnel pour chacun et le meilleur outil pour aider les parents dans le même sens : quils puissent eux aussi penser ce qui leur arrive, nommer leurs émotions, se « dé-figer » déventuelles positions traumatiques, retrouver leur inventivité... afin quà leur tour ils puissent aider leur enfant dans ces mêmes étapes.
D. - La formation des psychologues/psychiatres à la clinique périnatale et au travail en commun ; conséquences sur les pratiques
Cest une question houleuse, car il nexiste pas encore de consensus :
- sur lintérêt de lintervention pédopsychiatrique (par rapport aux psychologues, aux psychiatres généralistes) en maternité ;
- sur les modalités de cette intervention ;
- sur les techniques de travail et les modes de réponse ;
- sur le statut du psy ;
- donc sur la formation préalable ou en cours.
Etc...
Force est daccepter la diversité des expériences, richesse en soi à condition quelle ne suscite pas trop de conflits.
Tous les psy ne sont pas daccord pour dire quil sagit dune modalité de travail neuve - le champ de la périnatalité sétant ouvert récemment à la discipline -, et que les outils classiques de la formation psychologique et psychiatrique ne sont pas toujours adéquats ou suffisants.
Dans les expériences satisfaisantes de collaboration, lattente des familles et des professionnels amène le psy à sintéresser à la réalité du travail des soignants, aux liens interprofessionnels, au présent et pas seulement au passé, au concrêt et pas seulement à la dimension fantasmatique... En bref, cette clinique heurte pour une part la culture psychothérapique classique qui privilégie la relation duelle, le registre imaginaire, la recherche active du passé pour analyser le présent.
Le terrain est donc miné, passionnel, traversé de théories multiples, de narcissismes fragiles, mais dans une progression certaine.
Les auditions ont permis de dégager quelques éléments de réflexion :
1. A lintérieur du champ psy :
Nombre de psy nont pas de connaissance du bébé, de la femme enceinte.
Certains psychiatres denfant ne considèrent pas la grossesse comme faisant partie de la pédopsychiatrie.
En certains lieux il existe un conflit dintervention entre psychiatres dadultes / pédopsychiatres (« à qui appartient le bébé ? »), ce qui renvoie à des questions de territoire mais aussi théoriques.
Ailleurs le conflit se situe entre psychologue et pédopsychiatre : par exemple lintersecteur ou le service universitaire de pédopsychiatrie refuse la présence dune psychologue in situ mais dit aussi quil na pas le temps dintervenir.
Le débat décole reste passionnel, avec ses conséquences sur les modalités dintervention (de la chimiothérapie brève sans communication avec léquipe aux massages des bébés par des psychomotriciennes de service psy, à lintervention dinfirmières psy auprès des mères... en passant par toutes les formes de travail indirect...)
Entre les psy et le champ médical :
Il persiste une méconnaissance (parfois un rejet) de la place relationnelle des acteurs du champ « somatique ».
Une méconnaissance fréquente du métier des autres (techniques, dispositifs, préoccupations).
Un attrait pour la clinique directe plutôt que pour le travail indirect (intérêt professionnel, aisance, position de principe...).
Labsence trop fréquente de formation sur les règles de transmission, se traduisant par un refuge dans la « confidentialité » ou le déversement de théories explicatives ou de confidences reçues.
Une difficulté à penser lensemble enfant/parents/professionnels, moindre chez les pédopsychiatres habitués à travailler avec lenvironnement.
N.B. Toutes ces remarques renvoient à des cas de figure fréquemment cités, mais il existe heureusement nombre de psy adaptés à ce travail, qui se sont en général formés sur le tas. Les insuffisances sont à considérer comme des éléments féconds de réflexion et non comme un procès de la discipline !
La collaboration en périnatalité nest pas toujours bien acceptée par les responsables de service pédopsychiatriques (« on leur fait des cadeaux »), dans la difficulté à différencier les besoins propres des équipes médicales (par exemple la présence obligée dun psy au centre de diagnostic prénatal qui na pas toujours abouti, malgré les textes, au dégagement de vacations propres) et ce qui relève des missions dun intersecteur de pédopsychiatrie (collaborer avec les autres).
Ailleurs peut être ressentie une tendance à « occuper le terrain », la périnatalité étant devenue un enjeu scientifique et de postes, sans avoir réellement élaboré une modalité de travail en commun avec les services concernés. Une autre tendance consiste à demander des outils « lourds », tels des lits spécialisés, dont le fonctionnement onéreux peut dans certains cas paraître décalé par rapport à lefficacité dun véritable travail en réseau - celui-ci étant peu lisible et moins gratifiant en termes de moyens. Lalternative dun réseau personnalisé dès la grossesse peut également éviter la stigmatisation des mères et développer les ressources du milieu habituel. Tout ceci demanderait à être évalué de près, et surtout que lune ou lautre des solutions ne sexclue pas mutuellement.
Malgré un intérêt vif de tous les partenaires, il persiste une grande difficulté à baliser ce champ neuf, et à élaborer des règles de collaboration lisibles par chacun des partenaires et par les tutelles.
Il y a un large débat à mener sur lutilisation des concepts psychanalytiques auprès des partenaires dautres champs. Lintérêt pour le temps présent, pour la réalité du corps, pour linventivité des acteurs de première ligne, ne fait que samorcer. Lélaboration théorique de cette nouvelle clinique nen est quà ses balbutiements et justifierait des recherches prospectives pour valider des concepts interdisciplinaires. Les colloques sur le thème donnent encore peu la parole aux soignants les plus modestes, pourtant les mieux placés pour enrichir la connaissance sur le lien humain.
En résumé lon pourrait dire quil nest pas aisé pour un psy davancer non « armé » dans un champ qui nest pas le sien. Chacun se protège comme il peut. Le pas nest pas franchi par nombre de psychologues et psychiatres quant à la formation dont ils pourraient bénéficier à lécoute de professionnels fortement engagés auprès des patientes et des couples (sages-femmes libérales, hospitalières et de PMI, aides-soignantes, médecins). Par exemple ce que recueillent les sages-femmes lors des rééducations périnéales savère très instructif sur la genèse des troubles fonctionnels du nourrisson ou la dépression du post-partum. Labsence dintérêt mutuel, les difficultés de liaison, entraînent une déperdition considérable de tout ce qui contribuerait à un véritable repérage des risques de perturbations affectives.
Dans le réseau :
La place du psychologue/psychiatre dans lanimation des réseaux de soins pose avec acuité la question de la formation.
Entendre les professionnels confronter leurs points de vue à propos dune même famille, contenir les émotions, chercher les articulations, se repérer dans ce qui se répète entre dynamique familiale et dynamique professionnelle, apprendre à anticiper pour ajuster laction, est un exercice difficile, qui demande :
- une bonne connaissance du cadre de travail de chaque professionnel ;
- une sécurité suffisante pour rester neutre ;
- la capacité à prendre la parole devant un groupe si nécessaire ;
- une expérience de la psychopathologie et de linstitution, dans la compréhension quelles apportent des processus transférentiels / contre-transférentiels.
Ce travail particulièrement utile ne senseigne pas de manière académique et lon constate que peu de psy y sont à laise.
Il y a là un véritable problème de formation, pour lequel une réflexion doit sengager.
La continuité des soins oblige à regarder de très près le statut des psy intervenant en maternité, de même que les dangers de lisolement. Il est urgent de fournir aux acteurs des points de repère leur permettant de se situer dans ce qui est encore kaléidoscopique. Il semble quau prix dun meilleur respect mutuel, les différents intervenants de la discipline psychologique ont actuellement les moyens de dégager des processus de travail commun, tout en gardant leur diversité.
Restent à trouver les montages entre « psy in situ », intersecteur de psychiatrie denfant, psychiatres dadulte, pour que les différents registres en jeu dans les graves souffrances familiales puissent se déplier et être abordés là où la compétence simpose, plutôt que dêtre compactés dans un vague « soutien psychologique » ou une chimiothérapie isolée.
Propositions :
1. Ouvrir le dialogue tôt dans la grossesse.
2. Mettre en place un entretien prénatal par une sage-femme (ou un médecin) vers le 4e mois.
3. Définir les objectifs, lesprit et le contenu de cet entretien, ainsi que la formation nécessaire (voir fiche).
4. Réaliser un état des lieux quantitatif et qualitatif des moyens psychologiques et psychiatriques sur chaque terrain (par lintermédiaire des CRN, en saidant dun questionnaire).
5. Rendre lisibles les collaborations médicopsychologiques en maternité et pédiatrie néonatale (sortir de la bonne volonté et de laléatoire).
6. Augmenter la présence psychologique en maternité là où elle savère insuffisante.
7. Affiner les conditions dexercice des psychologues en maternité : profil de poste, recrutement sur avis des divers services concernés, formation (voir fiche).
8. Assurer la continuité des soins et protéger le psychologue de lisolement par une articulation lisible avec les intersecteurs de pédopsychiatrie.
9. Confronter et évaluer les divers modes dintervention psychologique/psychiatrique à laide détudes prospectives pluricentrées.
10. Développer et diffuser une « clinique du travail en réseau » à visée psychologique, intégrant lensemble des places professionnelles.
11. Impulser des réseaux daide psychologique régionaux par lintermédiaire des CRN (ou du Réseau périnatal régional) et de la télémédecine.
12. Evaluer la part du travail dit « indirect » ou de 2e ligne quexige le soutien des équipes soignantes dans le registre émotionnel et le rendre lisible administrativement.
13. Développer une meilleure cohérence et un esprit de « réseau » par des formations adéquates (inter-services pour lintra-hospitalier, inter-institutions, ville-hôpital).
14. Décloisonner les budgets de formation des centres hospitaliers, des conseils généraux, du secteur libéral pour lanalyse des dossiers difficiles « en réseau ».
15. Intégrer le secteur libéral dans la politique de prévention en promouvant des montages originaux conformes aux décrets sur le réseau (voir document annexe) : unités mobiles, pôles-ressource...
16. Mettre en place un groupe de recherche sur la formation des psychologues et psychiatres pour un exercice original : animation des réseaux personnalisés autour des familles vulnérables, transmission aux soignants doutils relationnels pertinents...
FICHE 1
Lentretien prénatal du 4e mois
Nous développons la part qui paraît indispensable à une prévention des troubles de la relation parents-enfant et des dépressions parentales.
Les objectifs
Il sagit globalement daccrocher la confiance et/ou de maintenir la confiance dans le système, afin que les parents puissent mettre au monde lenfant dans les meilleures conditions de sécurité émotionnelle, et quils puissent faire appel ultérieurement si besoin.
Permettre aux parents dexprimer leurs attentes, leur projet de naissance, leurs questions, leurs craintes éventuelles : reprendre avec eux là où ils en sont du suivi médical (médico-social) et leurs antécédents médicaux dans leur aspect émotionnel explorer avec eux les points dappui existants en se centrant sur la venue de lenfant (ce qui nest pas intrusif).
Entourage personnel.
Environnement professionnel (confiance ? perception des liens interprofessionnels selon les cas ?...).
Respecter et activer le réseau de proximité sil existe et si cela a un sens pour le couple (médecin généraliste, pédiatre, autres selon les antécédents).
Aider à anticiper une continuité dintervention de manière personnalisée.
Evoquer la possibilité dautres acteurs en fonction des besoins exprimés, mais sans les introduire trop vite et après avoir consolidé les premiers liens.
Soutenir en direct la place des autres professionnels dans les cas difficiles.
Un état desprit :
Il est fondé sur des éléments de respect, hors duquel les parents ne pourront se confier.
La qualité de laccueil lors du premier contact conditionnera la suite. Elle met en jeu la sécurité du professionnel qui reçoit (formation, acceptation de son rôle par lensemble des partenaires, connaissance personnalisée des référents dautres disciplines...).
La confidentialité garantit la confiance des parents les plus vulnérables en particulier lorsque existe des problèmes affectifs ou des conduites culpabilisantes (toxicomanie, alcool etc.).
La rigueur dans les transmissions dinformation concernant lintimité (conditions de vie, éléments relationnels...), ce qui obéit à des principes à acquérir.
Lengagement relationnel auprès des femmes enceintes les plus en souffrance : rappeler, intensifier le suivi, etc.
Les conditions nécessaires à un bon exercice
Avoir bénéficié de formations adéquates, en particulier des formations en réseau donnant une bonne connaissance des divers acteurs (médical, social, psychiatrique, public et privé) : leurs besoins, leurs contraintes...
Avoir acquis la sécurité suffisante pour organiser la diversité des places professionnelles (ouvrir les relais, ne pas tout faire soi-même etc...).
Adhérer au réseau périnatal régional sil existe, pour accélérer la connaissance mutuelle et pouvoir rendre compte aux moments utiles.
Etre soutenu par une reprise régulière avec un psychologue/psychiatre pour les cas difficiles.
Démarrer sur un terrain de manière expérimentale, avec quelques professionnels déjà sensibilisés et formés, pour valider une manière de faire, sassurer de lévolution par des retours dinformation...
Evaluer à un ou deux ans par des questionnaires de satisfaction des familles et des acteurs concernés.
Lensemble de ces critères doit permettre aux futurs parents de faire lexpérience :
- quils pouvaient se confier ;
- quils nétaient pas jugés ;
- quon tenait compte de leurs dires pour ajuster les réponses ;
- que le professionnel tenait la route malgré la violence des confidences ;
- que le professionnel nétait pas seul ;
- que les divers acteurs se respectaient mutuellement à leur propos.
Cette expérience vécue constitue en soi une première sécurité. Elle est la condition pour ajuster lintervention de spécialistes, et surtout pour que les parents osent faire appel après le retour à la maison, au lieu de se replier dans leur culpabilité si problème.
Il semble plus intéressant que cet entretien prénatal soit différencié de la préparation à la naissance qui débute plus tard dans la grossesse.
Il peut être limité si les futurs parents sont en sécurité (bon réseau préexistant) et ne présentent pas de vulnérabilité particulière.
Il doit pouvoir se répéter dans les cas difficiles, la sage-femme restant alors dans un rôle de coordination le temps nécessaire. Ce qui amène à discuter du statut administratif dautres entretiens (consultations dans le cadre de grossesse à risque ?).
Dans les situations de vulnérabilité, il paraît essentiel que la sage-femme « coordinatrice » ait la possibilité de revoir la mère (les parents) en post-partum pour un véritable repérage du malaise qui pourrait anticiper une dépression, une pathologie du lien, un décalage dans linvestissement de lenfant source de culpabilité et dhyperprotection ultérieure... Si elle ne revoit pas elle-même, elle devrait sassurer de lexistence dun professionnel de confiance (médecin généraliste) dont la place devra être activée auprès de la famille, en particulier par une liaison personnalisée.
FICHE 2
Améliorer lintervention psychologique/psychiatrique
Rappel :
La cohérence du réseau professionnel autour de lenfant ou des parents vulnérables, de la grossesse à la petite enfance, est lélément premier, nécessaire et parfois suffisant, pour une diminution du stress familial, quil soit dorigine médicale, sociale, ou affective.
Le manque de cohérence et de continuité génère après-coup des interventions intensives, souvent dispersées, onéreuses, parfois culpabilisantes. Certaines formes de pathologie du lien et de troubles du développement, vus trop tard, résistent aux thérapeutiques les plus sophistiquées.
La dépression du post-partum, décrite comme atteignant 10 à 20 % des mères, est étroitement corrélée avec les modalités dintervention de lanténatal au post-natal.
Construire une meilleure cohérence interprofessionnelle est laffaire de tous. Mais, dans les situations de vulnérabilité psychique, les bouleversements émotionnels des parents se projettent de manière éclatée sur les différents acteurs, sans que ceux-ci en aient parfois la conscience, doù les malentendus, les conflits, qui ainsi se déplacent sur lenvironnement.
Prévenir toute forme de « pathologie du lien » implique les spécialistes du champ psychique. Leur première tâche devrait être de sintéresser aux moyens de mettre en oeuvre la cohérence et la continuité de lenvironnement médical et social autour des familles vulnérables, a) en contenant les mouvements émotionnels et en soutenant lengagement personnel des divers acteurs, b) en étant attentif aux modalités de liaison interprofessionnelle. Nous en sommes loin.
Lintervention des psychologues/psychiatres/psychanalystes
Deux grands axes :
Les modalités dintervention.
Les caractéristiques professionnelles (profil de poste, formation...).
Les modalités dintervention :
Le travail clinique direct ne fait pas lobjet de consensus, ni en termes qualitatifs, ni en termes de dispositifs. La diversité et la richesse des expériences mériteraient une étude évaluative, au minimum la confrontation des approches au travers de reprises de cas sur une région.
Le travail indirect (de 2e ligne) na pas encore acquis ses lettres de noblesse : pas reconnu administrativement, peu ou pas enseigné.
Dans ce contexte, une mise en commun région par région (par lintermédiaire des CRN) et au niveau national (par lintermédiaire dune société scientifique) savère nécessaire. Le point de vue des acteurs « non psy » mais proches des familles est très utile : exposé de leurs propres besoins, témoignages du devenir de lenfant et de ses parents. A lexpérience, le monde psy est en difficulté pour penser seul une politique de prévention en santé mentale, du fait de sa culture et de sa méconnaissance encore fréquente du rôle majeur que peuvent jouer les professionnels de première ligne.
La place des psychologues en maternité
(et réanimation pédiatrique)
Elle nest pas encore généralisée, loin de là. Les expériences douloureuses de psychologues introduites sans soutien, sans formation, isolées, a refroidi les désirs de collaboration, tant du côté somatique que des services de pédopsychiatrie. En même temps ces relatifs échecs confirment la particulière difficulté du rôle de psychologue dans de tels services, auquel sa formation ne la en général pas préparé.
Actuellement, la demande explicite des services médicaux ainsi que lencadrement légal des nouvelles technologies de reproduction et de diagnostic anténatal imposent une présence in situ, sur effectif propre à ces services. De même le soutien au quotidien des équipes soignantes justifie un temps de présence (relèves, réunions, liaison obstétrico-pédiatrique-sortie, etc.) qui relève de léquipement nécessaire à ces services. Par contre la fonction danimation de réseau, lintervention dans les cas de pathologie avérée ou suspectée, lévaluation des cas difficiles, justifient larticulation avec le pédopsychiatre et/ou le psychiatre dadulte selon les cas.
Les conflits fréquents entre psychologue in situ / intersecteur de pédopsychiatrie/psychiatre adulte freinent considérablement lefficacité et mettent mal à laise les partenaires. Certains psychiatres peuvent mal accepter dêtre sollicités par la psychologue. Les psychiatres sont parfois réticents à la valorisation des soignants et privilégient alors une consultation directe et/ou prescription sans retour aux équipes : un des effets à moyen terme est alors le débordement des consultations psychiatriques, et lentrave à lengagement humain des professionnels de première ligne. Une mise à plat de ces difficultés améliorerait considérablement la cohérence de laction (rôle des CRN), dautant que la plupart des services médicaux sont désormais ouverts à une prolongation de lhospitalisation ciblée pour les femmes hautement vulnérables, à la condition de collaborations « psy » solides, ce qui représente un gain majeur dans le réaménagement des traumatismes parentaux (actuels ou anciens). En effet la « sollicitude soignante » mobilise de manière extrêmement rapide limage de soi et les expériences traumatiques des parents, tout en consolidant leur confiance dans le système de soins, ce qui leur permettra de faire appel ultérieurement si nécessaire.
Concernant les psychologues, plusieurs cas de figure existent actuellement :
- psychologues relevant des effectifs du service dobstétrique ou de pédiatrie ;
- psychologues « prêtés » par des services de PMI, CAMPS, ou de psychiatrie adulte... ;
- psychologues (associés éventuellement à des infirmières psy, etc.) appartenant aux intersecteurs de pédopsychiatrie.
Dans le secteur libéral, toutes sortes de « bricolages » plus ou moins aléatoires, mais le plus souvent aucun moyen.
Après un état des lieux de tous les moyens « psy » terrain par terrain, il paraît utile de préciser un « profil de poste » afin de limiter les difficultés citées par les professionnels de tous champs entendus dans le cadre de la mission. Ceci aurait pour effet :
- de généraliser et dharmoniser la présence psychologique sur chaque terrain (ville ou secteur géographique), sur avis des services concernés (obstétrique, pédiatrie, PMI, psychiatrie, directions hospitalières, secteur libéral) ;
- de définir des conditions de recrutement et dexercice :
- recrutement sur avis conjoint des services concernés ;
- formation préalable au travail dans le champ somatique, au travail indirect (formation initiale et expérience acquise) ;
- participation minimale (de une à trois demi-journées...) à lactivité de lintersecteur pédopsychiatrique pour faciliter la continuité des soins, sortir de lisolement, participer aux régulations cliniques et aux formations en réseau ;
- dassurer la possibilité de formation continue pour une tâche encore expérimentale.
FICHE 3
La formation
Prévenir la pathologie du lien.
Apprendre à mieux travailler ensemble autour des familles vulnérables.
Rappel :
Si la sécurité de lenfant passe par celle des parents, la sécurité des parents passe par celle des professionnels. La formation individuelle et collective est lun des piliers de la sécurité professionnelle.
Les formations « académiques » sont nécessaires à la culture de base. Elles présentent des limites et déventuels dangers, que des méthodes originales de formation doivent déjouer. Le risque majeur est quun « savoir psychologique » mette à nouveau les professionnels en position de penser à la place des parents ce qui serait « bon » pour eux en termes daffectivité et déducation. La meilleure « éducation » réside dans lexpérience humaine que ces parents et lenfant vont éprouver au cours du processus de naissance, au travers de leurs rencontres avec les professionnels (respect, sécurité, continuité etc...). Il est bien repéré désormais comment le système de soins au sens large a pu favoriser les « démissions parentales » dénoncées ultérieurement face aux troubles de ladolescence.
Les risques dintrusion ou de dévalorisation parentale sont majeurs, hors dun dialogue confiant. Plutôt que dexplorer trop vite lintimité ou le passé affectif, le meilleur moyen de sintéresser aux parents est de reprendre avec eux là où ils en sont (leurs facteurs dinsécurité et de sécurité) et le degré de confiance dans le « réseau professionnel » existant ou à construire avec eux si nécessaire.
Loccasion offerte aux parents déprouver, dans un moment de grande sensibilité émotionnelle, leur place au sein dun collectif fiable, différencié, où chacun reconnaît les limites et compétences mutuelles, est devenue le fer de lance dune politique active de prévention en santé mentale. Pour ceux dentre les parents qui ont connu une histoire affective troublée, cette expérience mobilise des ressorts psychiques puissants. Mais ce « réaménagement » des bases narcissiques - fondement de la sécurité intérieure - ne peut se faire quau prix dune très grande rigueur dans les liaisons et collaborations interprofessionnelles, faute de quoi lenvironnement offre en miroir ce que les parents bousculés par la vie ont déjà connu (conflits, méfiance, ruptures de communication, sensation dêtre un « objet », abandons...).
Les possibilités de supervision par un spécialiste simposent parfois pour aider lintervenant à se repérer dans sa propre relation avec la personne souffrante, mais les ressources mutuelles au sein dun collectif cohérent représentent un soutien remarquable, à condition que soit analysées et dépassées les projections que justement provoquent les désordres familiaux sur les acteurs.
La formation des intervenants médicaux et sociaux
1. Les formations monodisciplinaires ont pour objectif daugmenter la sécurité et la compétence dune équipe, dune catégorie professionnelle. Elles touchent vite à des limites : on ne peut penser sa propre place sans la conscience de celle des autres acteurs. Lexpérience montre quelles ne permettent pas de résoudre les fréquents problèmes institutionnels qui souvent envahissent la discussion.
2. Par contre, les formations interdisciplinaires centrées sur la clinique permettent de visualiser les divers rôles professionnels, leur spécificité, leurs articulations, dans une cohérence et une continuité transversale et longitudinale. Il sagit de délimiter des espaces de chevauchement dune place à une autre (par reexemple entre le médical et le psy), qui permettent une communication interprofessionnelle mais aussi une clarification et une lisibilité de la différence entre les rôles mutuels.
3. La dimension interactive est nécessaire, permettant aux intervenants de penser à partir de leur propre place, et non dun « savoir psy » issu dune pratique psychothérapique, et qui serait plaqué, doù une confusion de rôles et un appauvrissement des échanges entre la famille et lenvironnement humain.
Lexpérience acquise permet de privilégier certains types de démarches :
Formations obstétrico-pédiatriques
(maternités niveaux 2 et 3)
Lorsque lenfant est hospitalisé en pédiatrie (prématurité, RCIU etc...), elles permettent aux équipes soignantes de confronter leurs représentations, darticuler leurs perceptions dune même famille, sachant que la mère ne sexprimera pas de la même manière avec ceux qui la soignent (sages-femmes) et ceux qui soignent son enfant (puéricultrices). Cette liaison, associée à une bonne communication médicale, est la condition pour maintenir une « fluidité psychique » et éviter que ne se figent les émotions soulevées par une naissance « à risque médical ». Elles permettent aux équipes obstétricales danticiper les étapes pédiatriques, et ainsi de redonner des images de vie aux parents angoissés.
Lexpérience montre quune situation médicale à potentiel traumatique ne laisse pas de séquelles affectives et diminue grandement les interventions ultérieures. Les parents expriment après coup quils se sont sentis « portés par une enveloppe humaine continue » au moment où ils sont en difficulté pour porter eux-mêmes leur nouveau-né vulnérable.
La pratique de la visite anténatale du pédiatre, lorsquelle existe, a démontré son efficacité, surtout chez les parents les plus vulnérables (décision difficile dextraction, toxicomanie, etc.).
Formations en réseau délocalisées
Objectifs
Développer « lesprit de réseau » sur un terrain dexercice (secteur, ville, département).
Augmenter la compétence des professionnels de 1re ligne.
Acquérir des règles de travail en commun de la grossesse à la petite enfance, entre les champs médical/social/psychiatrique.
Apprendre à anticiper les passages dun professionnel à lautre par des liaisons personnalisées.
Apprendre les règles de transmission interprofessionnelle qui respectent la place des parents et facilitent la rencontre confiante entre parents et intervenants.
Se sensibiliser au retour dinformation, qui valident les acteurs précédents dans leur pertinence et permettent dévaluer laction menée.
Apprendre à mettre en parallèle dynamique familiale et dynamique professionnelle et leurs interactions.
Apprendre à présenter des dossiers difficiles devant un groupe en respectant la différence des places et la confidentialité.
Méthodologie
Constituer un groupe de professionnels de toutes disciplines (public/privé, social/médical/psy, médecins et sages-femmes libéraux...) sur un terrain (20 à 40 si animateur expérimenté).
Choisir une situation avec un recul suffisant en réunissant un maximum dacteurs de tous les services concernés.
Avec un animateur expérimenté (psychiatre ou psychologue), formé à lanimation des réseaux professionnels, connaissant les implications de toutes les postes professionnels, capable de sortir des « procès mutuels » pour décrire des « processus ».
Reprendre le déroulement chronologique afin de déplier les places de chacun, les modalités de transmission etc... et de repérer déventuels écarts entre vécu parental et vécu professionnel.
Il ne sagit ni dune synthèse, ni dune évaluation, ni dun groupe Balint, mais dune occasion de repérer les modalités de travail et la cohérence dun réseau autour dune famille vulnérable, tout en utilisant la présentation pour faire travailler un groupe sur la différenciation des places.
Financement
Une incitation est nécessaire pour décloisonner les budgets de formation entre centres hospitaliers, conseils généraux, organismes de formation des libéraux.
Lexpérience montre que ce montage peu onéreux au vu de son efficacité relève encore du parcours du combattant.
Formation des psychiatres/psychologues
Lajustement à ces nouvelles pratiques (cliniques et pédagogiques) nécessite la mise en place dun groupe de travail réunissant des universitaires de tous les champs concernés.
Des possibilités de formations dites « de formateurs » ou des régulations existent mais devraient être soutenues et diffusées, afin de dépasser les nombreuses difficultés de collaboration.
1. Plus dhumanité
Les futurs parents expriment un réel besoin découte et dinformation que les professionnels de la naissance doivent être en mesure de leur apporter, notamment pour le choix de la maternité, les modalités de suivi de la grossesse et le contexte de laccouchement. Le développement des réseaux de santé facilite la coordination de laccueil et du suivi, ainsi que le partage de linformation.
1.1. Par la mise en place dun entretien individuel du 4e mois
26 M sur trois ans
Contexte
Actuellement, le suivi de la grossesse est axé sur un bilan général et obstétrical, réalisé par le médecin ou la sage-femme dans le cadre des sept examens prénataux obligatoires fixés par le décret du 14 février 1992. Ce suivi médical est complété par une préparation à la naissance au cours de séances collectives (« séances préparatoires à laccouchement psycho-prophylactique »), dont lobjectif est de contribuer à lamélioration de létat de santé des femmes enceintes, des accouchées et des nouveau-nés par une approche éducative et préventive. Quarante-sept pour cent des femmes enceintes, principalement des primipares, suivent cette préparation qui est le plus souvent assurée par des sages-femmes.
Toutefois, la sécurité émotionelle des femmes enceintes et des couples ne fait pas lobjet dune attention suffisante, daprès les usagers du système de soins et certains professionnels.
Un accord de bon usage des soins (AcBUS), visant à mettre en place une démarche qualité sur les modalités de réalisation des séances de préparation à la naissance, a été conclu entre les caisses nationales dassurance maladie et les représentants des sages-femmes en décembre 2002 (cf. note 2) . Par ailleurs, les caisses nationales dassurance maladie et les représentants des sages-femmes ont engagé une réforme de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) qui prévoit notamment une réforme des séances de préparation à la naissance en vue den préciser les objectifs et le contenu.
Objectif
Mettre en place précocement les conditions dun dialogue permettant lexpression des attentes et des besoins des futurs parents.
Mesures
Un entretien individuel et/ou en couple sera systématiquement proposé à toutes les femmes enceintes, aux futurs parents, au cours de 4e mois, afin de préparer avec eux les meilleures conditions possibles de la venue au monde de leur enfant. Cet entretien aura pour objectif de favoriser lexpression de leurs attentes, de leurs besoins, de leur projet, de leur donner les informations utiles sur les ressources de proximité dont ils peuvent disposer pour le mener à bien et de créer des liens sécurisants, notamment avec les partenaires du réseau périnatal les plus appropriés. Il doit être loccasion dévoquer les questions mal ou peu abordées avec la future mère lors des examens médicaux prénataux : questions sur elle-même, sur les modifications de son corps, sur son environnement affectif, sur sa vie professionnelle, sur lattitude à adopter vis-à-vis des autres enfants de la famille, sur la présence ou non de supports familiaux après la naissance etc...
Il sera réalisé sous la responsabilité dune sage-femme ou dun autre professionnel de la naissance disposant dune expertise reconnue par le réseau de périnatalité auquel ils appartiennent.
Ces entretiens pourront avoir lieu en maternité ou en secteur libéral. Leur financement sinscrit dune part dans le cadre de mesures financières pour les établissements et dautre part dans le cadre de la réforme de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) des sages-femmes concernant notamment les séances de préparation à la naissance, qui inclueront cet entretien individuel.
Cette nouvelle prestation nayant pas un caractère obligatoire, linformation devra être relayée notamment par les réseaux sociaux de proximité, la PMI, les permanences daccès aux soins de santé (PASS), les généralistes, ou encore sappuyer sur les réseaux de parents, femmes relais, afin que toutes les femmes en bénéficient, notamment celles les plus vulnérables ou isolées, qui souvent consultent et déclarent tardivement ou pas du tout leur grossesse.
Des recommandations de bonnes pratiques cliniques en matière de préparation à la naissance ont été dores et déjà demandées à lagence nationale pour laccréditation et lévaluation en santé (ANAES) et devraient être rendues publiques en 2005. Elles permettront daccompagner la mise en oeuvre de cette réforme.
Coût
Coût de lentretien individuel du 4e mois : 26 M sur 3 ans.
Calendrier
Mise en oeuvre dès la publication de lavenant à la convention des sages-femmes en libéral, et à partir de 2005 pour les établissements de santé.
2. Plus de proximité
La demande des parents sexprime à la fois en termes de qualité, de sécurité et de proximité des soins. La sécurité peut impliquer dans certains départements que laccouchement ne seffectue pas en toute proximité. Il est alors indispensable dorganiser les conditions dun suivi pré- et post-natal proche du domicile des parents tout en veillant à la complémentarité et la coordination entre les différents acteurs quel que soit leur lieu dexercice, dans le cadre de réseaux de périnatalité.
2.1. Par le développement des réseaux en périnatalité
6 M (en 2005)
Contexte
Les réseaux se sont développés au cours de ces dernières années : une trentaine de réseaux de périnatalité fonctionnent aujourdhui de manière formalisée et organisée. Il sagit essentiellement de réseaux inter établissements qui permettent de réguler la coopération interhospitalière public/privé dans le domaine de la périnatalité.
Ils ont contribué à améliorer la sécurité en définissant notamment les situations justifiant un transfert, dont les conditions et lorganisation ont été ainsi améliorées. Les réseaux doivent en effet éviter les transferts inutiles, et favoriser ceux qui sont nécessaires, en respectant le principe de la graduation des soins selon les besoins de la mère et de lenfant.
La fonction du réseau est également déviter des demandes des usagers inadaptées à leurs besoins. A ce titre, on peut noter leffet contre productif de la « numéroration » qualifiant les différents niveaux de maternité, qui pourrait sapparenter à tort à une hiérarchisation.
Mais cette coopération interhospitalière doit couvrir également lamour et laval de la prise en charge hospitalière pour une prise en charge globale de la mère et de lenfant dès la grossesse : organisation du suivi de la grossesse, dépistage et prise en charge du risque psychosocial en amont et suivi du nouveau-né présentant notamment une déficience dorigine périnatale susceptible de développer un handicap en aval.
Elle doit reposer sur des réseaux ville/hôpital qui permettent dassocier aux établissements de santé, les professionnels de santé de ville et ceux exerçant dans les services de PMI, dune part, et les acteurs des champs médico-social et social dautre part. La pédopsychiatrie doit également en faire partie.
Objectifs
Créer et développer des réseaux de santé de proximité ville/PMI/hôpital en amont et en aval de lorganisation inter-établissements, afin de garantir le meilleur accès aux soins pour lensemble de la population et améliorer la qualité de la prise en charge de la mère et de son enfant autour de la naissance :
- en orientant la femme enceinte vers le lieu le mieux adapté à sa surveillance : la définition dindicateurs nationaux doit permettre dévaluer ladéquation de lorientation ;
- en privilégiant, si possible, la proximité de son lieu dhabitation ;
- en prenant en charge de façon adaptée la grossesse en cas de situation pathologique ou de risque psychosocial ;
- en informant et en respectant le libre choix de la patiente et de sa famille ;
- en créant une « communauté périnatale » correspondant à lensemble des professionnels de la naissance qui appartiennent au réseau.
Mesures
Obligation de couvrir tout le territoire par des réseaux de périnatalité dici fin 2005 :
1. Elaborer un cahier des charges national avec lensemble des professionnels concernés (commission nationale de la naissance) avec la création dun « label » des réseaux de périnatalité. Ce label sera octroyé régionalement après vérification du respect du cahier des charges.
2. Donnner des instructions aux ARH dans le cadre dune circulaire pour mettre en place des réseaux de périnatalité associant la ville, lhôpital et les services de la PMI et permettant la couverture de lensemble du territoire. Ils seront financés sur la dotation nationale de développement des réseaux (DNDR), sils sont conformes aux cahier des charges.
Coûts
6 M sur la dotation nationale de développement des réseaux (DNDR) en 2005 pour la périnatalité.
NOTE (S) :
(1) UCLA Family Development Project. Heinicke et Ponce (199) Université de Californie à Los Angeles. OLDS et al. 1999 « Prenatal et infancy home visitations by nurses : recent findings », The futur of children, 9, 44-65. Cowan et Cowan, 2002, in Development and Psychopathology, 14 (4), 731-759. European Early Promotion Project (Davis et al., 2000, Puura e al., 2002), Infant Mental Health Journal, 23, 606-624.
(2) Avenant no 4 à la convention nationale des sages-femmes.