Avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France, section des milieux de vie, relatif au projet de directive européenne sur la qualité de l’air ambiant

NOR :  SANP0630265V

Séance du 12 mai 2006

    Vu la directive 1999/30/CE du Conseil du 22 avril 1999 relative à la fixation de valeurs limites pour l’anhydride sulfureux, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les particules et le plomb dans l’air ambiant ;
    Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil du 21 septembre 2005 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe ;
    Considérant que la loi no 96-1236 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie stipule, dans son article premier, que « l’Etat et ses établissements publics,... concourent à une politique dont l’objectif est la mise en oeuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé » ;
    Considérant l’engagement de la France à réduire les émissions de particules par les véhicules à moteur « diesel » et à faire adopter rapidement de nouvelles normes européennes d’émissions applicables à partir de 2010 qui devront atteindre un niveau ambitieux au plan sanitaire (action 4 du Plan national santé environnement) ;
    Considérant l’action 9 du Plan national santé environnement visant à réduire les émissions polluantes du secteur résidentiel tertiaire, en particulier relatives à certaines installations domestiques de combustion du bois ;
    Considérant l’impact sur la santé des particules atmosphériques de diamètre aérodynamique médian inférieur à 10 micromètres (PM 10) ou à 2,5 micromètres (PM 2.5) ;
    Considérant que des effets liés aux particules ont été mis en évidence sur la santé des populations dans des zones géographiques et climatiques contrastées, indépendamment de la nature chimique et de l’origine anthropique ou naturelle de ces particules ;
    Considérant que la Commission européenne annonce 348 000 décès annuels prématurés attribuables à l’exposition aux particules en Europe ;
    Considérant qu’à ce jour, il n’a pas été défini de seuil de concentration en particules en dessous duquel il n’existerait pas d’effets sur la santé ;
    Considérant que la directive 1999/30/CE fixe à 20 µg/m3 la valeur limite indicative annuelle de PM10 à atteindre en 2010 et que le rapport PM2.5/PM10 est de l’ordre de 0,7 en milieu urbain, d’après les travaux menés dans le cadre de l’étude européenne APHEIS ;
    Considérant que, de ce fait, le plafond de concentration en PM2.5 figurant dans la proposition de directive - soit 25 µg/m3 en moyenne annuelle à atteindre avant 2010 - marque un net recul par rapport aux préconisations européennes formulées en 1999 ;
    Considérant qu’aucune donnée scientifique d’ordre sanitaire ne justifie le plafond de concentration proposé, alors même que des travaux nord-américains récents suggèrent que des effets sur la mortalité apparaîtraient à des niveaux en PM2.5 très inférieurs à cette valeur ;
    Considérant que la valeur de 15 µg/m3 a été fixée par l’Agence de protection environnementale américaine (US-EPA) aux Etats-Unis et qu’une valeur seuil de 12 µg/m3 a été retenue en Californie et en Australie,
    Le Conseil :
    -  recommande que les valeurs limites indicatives pour les particules PM10 définies par la directive 1999/30/CE à échéance de 2010 soient adoptées en tant que valeur limite journalière (50 µg/m3) et valeur limite annuelle (20 µg/m3) ;
    -  se félicite de l’introduction, en complément des PM10, des particules fines (PM2.5 comme indicateur réglementaire de surveillance de la qualité de l’air ;
    -  souligne cependant qu’au vu des connaissances scientifiques actuelles, le plafond de concentration de 25 µg/m3 en moyenne annuelle de PM2.5 à atteindre en 2010 ne garantit pas la protection de la santé de la population, objectif de la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie et qu’il est en contradiction avec la valeur limite indicative définie par la directive 1999/30/CE pour les particules PM10 ;
    -  estime que le plafond de concentration de 25 µg/m3 ne répond pas aux objectifs de réduction progressive et continue des impacts sanitaires de la pollution atmosphérique en Europe préconisés dans la stratégie thématique Clean Air For Europe (CAFE), dans la mesure où il n’incite pas les nombreux Etats membres qui respectent dès à présent cette valeur plafond à prendre des mesures, pourtant nécessaires, de réduction des émissions ;
    -  souhaite qu’en cohérence avec la valeur limite annuelle de 20 µg/m3 de PM10 préconisée, une valeur limite annuelle de PM2.5 égale à 15 µg/m3 soit adoptée pour l’ensemble de l’Union européenne avec, si nécessaire, des échéances variables pour l’atteindre : 2010, pour les pays qui ont participé à l’élaboration de la directive 1999/30/CE et ultérieurement pour les nouveaux Etats membres ;
    -  ne considère ni justifié sur le plan sanitaire, ni d’ailleurs réalisable, d’isoler la part revenant aux sources naturelles dans les concentrations annuelles de particules mesurées ;
    -  en conclusion, insiste sur le fait que l’adoption du texte proposé, en l’absence d’amendement, constituerait une régression préjudiciable d’un point de vue de santé publique.