Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Etrangers - Conditions
 

Dossier no 080748

M. X...
Séance du 30 juin 2009

Décision lue en séance publique le 7 juillet 2009

    Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2008 au secrétariat de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Manche, présentée par M. X..., demeurant dans la Manche, qui demande à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision du 16 janvier 2008 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Manche a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général de la Manche du 27 novembre 2007 lui refusant le bénéfice du revenu minimum d’insertion ;
    Le requérant soutient qu’eu égard à sa qualité de bénéficiaire de la protection subsidiaire, la condition de durée du séjour en France résultant des dispositions de l’article L. 262-9 du code de l’action sociale et des familles ne pouvait lui être opposée ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2008, présenté par le président du conseil général de la Manche, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que M. X..., qui à la date de sa demande détenait un titre de séjour d’une durée d’un an l’autorisant à travailler mais ne justifiait pas de cinq ans de résidence non interrompue en France, ne remplissait pas les conditions posées à l’attribution du revenu minimum d’insertion à un ressortissant étranger par les dispositions de l’article L. 262-9 du code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment ses articles 55 et 88-1 ;
    Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son article 249 ;
    Vu la directive 2004/83/CE du conseil du 29 avril 2004 ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
    Vu la lettre en date du 13 mai 2008 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 30 juin 2009 M. Philippe RANQUET, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que M. X..., ressortissant algérien, après que lui-même et son épouse ont obtenu, le 17 octobre 2006, le bénéfice de la protection subsidiaire et se sont vu délivrer à ce titre, à compter du 4 décembre 2006, des certificats de résident d’une durée d’un an, portant la mention « vie privée et familiale » et les autorisant à travailler, a demandé, le 12 novembre 2007, le bénéfice du revenu minimum d’insertion pour le foyer formé par leur couple et leurs enfants mineurs ; que par une décision du 27 novembre 2007, le président du conseil général de la Manche le lui a refusé au motif qu’il ne justifiait pas de cinq ans de résidence non interrompue en France ;
    Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée du président du conseil général de la Manche : « Toute personne résidant en France dont les ressources (...) n’atteignent pas le montant du revenu minimum défini à l’article L. 262-2, qui est âgée de plus de vingt-cinq ans ou assume la charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit (...) à un revenu minimum d’insertion » ; qu’en vertu de l’article L. 262-9 du même code, sous réserve de l’incidence des engagements internationaux introduits dans l’ordre juridique interne, une personne de nationalité étrangère ne peut se voir reconnaître le bénéfice du revenu minimum d’insertion que si elle est titulaire, à la date du dépôt de sa demande, soit d’une carte de résident ou d’un titre de séjour prévu par un accord international et conférant des droits équivalents, soit, à défaut, d’un titre de séjour l’autorisant à exercer une activité professionnelle, pour autant, dans ce dernier cas, que l’intéressé justifie en cette qualité d’une résidence non interrompue de cinq années ; que le bénéfice de la protection subsidiaire définie à l’article L. 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dont les dispositions assurent l’adaptation de la législation nationale à la directive 2004/83/CE du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, entraîne uniquement, conformément à l’article L. 313-13 du même code, la délivrance de plein droit d’un titre de séjour temporaire autorisant son titulaire à exercer une activité professionnelle, sans lui conférer des droits équivalents à ceux du détenteur d’une carte de résident ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 28 de la directive précitée du 29 avril 2004 : « 1. Les États membres veillent à ce que les bénéficiaires du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire reçoivent, dans l’État membre ayant octroyé le statut, la même assistance sociale nécessaire que celle prévue pour les ressortissants de cet État membre. 2. Par dérogation à la règle générale énoncée au paragraphe 1, les États membres peuvent limiter aux prestations essentielles l’assistance sociale accordée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, ces prestations essentielles étant servies au niveau et selon les conditions d’accès qui sont applicables à leurs propres ressortissants. » ; qu’au sens de ces dispositions, éclairées notamment par le préambule de la même directive, les prestations essentielles pour lesquelles les États membres sont en toute hypothèse tenus d’assurer aux bénéficiaires de la protection subsidiaire les mêmes conditions d’accès qu’à leurs propres ressortissants incluent le revenu minimum garanti, le cas échéant, par leur législation nationale ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède, que les dispositions de l’article L. 262-9 du code de l’action sociale et des familles, en tant qu’elles soumettent le droit au revenu minimum d’insertion des ressortissants étrangers bénéficiaires de la protection subsidiaire à la condition d’une durée de séjour en France, ne sont pas compatibles avec les objectifs de la directive précitée du 29 avril 2004 ; que le président du conseil général ne pouvait dès lors légalement se fonder sur ces dispositions pour refuser le bénéfice du revenu minimum d’insertion à M. X... ;
    Considérant que M. X... est, par suite, fondé à soutenir que c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale de la Manche a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général lui refusant le bénéfice du revenu minimum d’insertion ; qu’il y a lieu de le renvoyer devant le président du conseil général pour que ce dernier se prononce à nouveau, compte tenu de la composition de son foyer et de ses ressources, sur sa demande d’allocation,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision du 16 janvier 2008 de la commission départementale d’aide sociale de la Manche, ensemble la décision du 27 novembre 2007 du président du conseil général de la Manche sont annulées.
    Art. 2.  -  M. X... est renvoyé devant le président du conseil général de la Manche afin qu’il se prononce, compte tenu de la composition de son foyer et de ses ressources, sur sa demande d’allocation.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 30 juin 2009 où siégeaient Mme HACKETT, présidente, M. VIEU, assesseur, M. RANQUET, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 7 juillet 2009.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer