Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance-vie
 

Dossier no 100050

Mme X...
Séance du 23 mars 2011

Décision lue en séance publique le 4 avril 2011

    Vu le recours formé le 4 janvier 2010 par Mlle S... petite-fille de Mme X..., tendant à l’annulation d’une décision, en date du 9 octobre 2009, par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Finistère a confirmé la décision du président du conseil général du Finistère, en date du 5 mars 2009, de récupérer à l’encontre de la bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie souscrit par Mme X... la somme de 10 324,56 euros au titre des avances consenties à celle-ci par le département pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à la maison de retraite Z... du 1er mars 2005 au 12 juillet 2007, pour un montant total de 14 361,08 euros ;
    La requérante conteste la requalification en donation du contrat d’assurance vie souscrit à son profit par sa grand-mère.
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général, en date du 22 juin 2010, proposant le maintien de la décision ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les lettres, en date du 16 mars 2010, du secrétaire général de la commission centrale d’aide sociale informant les parties de la possibilité d’être entendues ;
    Vu les lettres, en date du 27 décembre 2010, du secrétaire général de la commission centrale d’aide sociale sollicitant des parties des informations complémentaires ;
    Après avoir entendu en séance publique Mlle SAULI, rapporteure, en son rapport, et après en avoir délibéré, hors de la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant, d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article L. 132-8, 2 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés par l’administration... contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande. » ; qu’aux termes de l’article 4 du décret no 61-495 du 15 mai 1961 : « Ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’aide judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X..., placée à la maison de retraite Z... et ne disposant pas de ressources personnelles suffisantes pour couvrir la totalité de ses frais d’hébergement avec l’aide de ses obligés alimentaires, a été admise au bénéfice de l’aide sociale départementale pour la période du 1er mars 2005 au 12 juillet 2007, date de son décès, sous réserve du prélèvement légal sur ses ressources, du reversement de l’allocation logement et de la participation mensuelle de l’un de ses obligés alimentaires évaluée à 35 euros ; que le total des sommes qui lui ont été avancées à ce titre par le département s’est élevé à 14 361,08 euros ; qu’au décès de Mme X..., son actif net successoral s’élevait à 4 036,52 euros ; qu’en septembre 1999, Mme X... - née le 9 juin 1911 - avait souscrit un contrat d’assurance vie par le versement d’une prime - dont le montant n’a pas été communiqué - au profit de sa petite-fille, la requérante, qui a bénéficié à son décès d’un capital de 1 943,32 euros ; que le département, en se fondant notamment sur l’âge de Mme X... à la date de souscription du contrat ainsi que sur l’importance de la prime estimée versée eu égard à ses ressources mensuelles, qui ont justifié la prise en charge par l’aide sociale départementale des ses frais d’hébergement pour être maintenue en maison de retraite, a estimé que Mme X... avait bien fait preuve d’une intention libérale à l’égard de la bénéficiaire désignée et que légalement, il pouvait en déduire que cette dernière devait être regardée comme la bénéficiaire d’une donation ; que, par décision en date du 5 mars 2009, le président du conseil général du Finistère a prononcé la récupération à l’encontre de la donataire d’une somme de 10 324,56 euros, correspondant au reliquat de la créance départementale de 14 324,56 euros encore due après récupération sur la succession de la somme de 4 036,52 euros en mars 2009 ; que cette décision a été confirmée par la commission départementale d’aide sociale du Finistère par décision, en date du 9 octobre 2009 ;
    Considérant que la requérante conteste la requalification en donation du contrat d’assurance vie souscrit par Mme X..., sa grand-mère, qui l’a désignée bénéficiaire en 2001 ; qu’il ressort des pièces figurant au dossier qu’en 1999, au décès de son époux, Mme X... a procédé à la vente de sa maison pour un montant de 25 000 euros, ainsi que d’une autre maison avant de résider chez sa fille, qui est la mère de la requérante ; qu’à cette date, l’actif de Mme X... s’élevait - selon la requérante - à 46 000 euros ; que Mme X..., qui, par ailleurs, avait souscrit, en septembre 1999, un contrat d’assurance vie, au profit de la requérante, alors qu’elle avait également des enfants et petits-enfants, a déposé lors de son placement en mars 2005 une demande d’admission au bénéfice de l’aide sociale départementale pour la prise en charge d’un reliquat mensuel de 613,43 euros ; que Mme X... a sollicité également la prise en charge de la cotisation mensuelle à sa mutuelle (36,22 euros) et la cotisation annuelle MMA responsabilité civile (49,60 euros) ; que, par décision en date du 24 novembre 2005 de la commission d’admission à l’aide sociale, Mme X... a été admise au bénéfice de l’aide sociale aux personnes âgées à compter de la période du 1er mars 2005 sur une base quotidienne de 42,54 euros et une participation trimestrielle de son fils évaluée à 105 euros, la fille et les petits-enfants - dont la requérante - ayant été exonérés ; que les sommes ainsi avancées par le département à Mme X... se sont élevées à 14 361,08 euros jusqu’à son décès intervenu le 12 juillet 2007 ; que les frais d’hébergement pris en charge par le département l’ont été à titre d’avances ; que le département est en droit de récupérer, pour pallier l’impossibilité pour Mme X... compte tenu de ses ressources et de l’exonération de l’ensemble de ses obligés alimentaires, à l’exception de son fils, de financer son placement ; qu’au décès de Mme X..., son actif net successoral et le capital libéré au profit de la requérante se sont élevés respectivement à 4 036,52 euros et 19 431,32 euros ; que, dans ces conditions, c’est à juste titre que le département a estimé que Mme X... avait preuve d’une intention libérale à l’égard de la requérante et requalifié en donation le contrat assurance vie que celle-ci avait souscrit ;
    Considérant que la donation a bien été effectuée dans la période définie par l’article L. 132-8 du code susmentionné et que le seuil de récupération sur les successions de 46 000 euros n’est pas opposable en ce qui concerne le recours à l’encontre des donataires ; que la commission départementale d’aide sociale du Finistère a fait une exacte appréciation des circonstances de l’affaire en confirmant la décision du président du conseil général du 5 mars 2009 requalifiant en donation le contrat souscrit par Mme X... et prononçant la récupération de la créance départementale à l’encontre de la donataire ; que néanmoins, ladite commission, ensemble le président du conseil général, ont commis une erreur de droit en fixant la récupération du reliquat de la créance départementale sur la base du montant du capital libéré par le décès de Mme X... au profit de la requérante, alors même que seule la prime versée est constitutive de l’intention libérale ; qu’en l’occurrence la requérante - qui a réglé au département la somme de 10 324,56 euros - a refusé de communiquer le montant de la prime au département et à la commission centrale d’aide sociale ; qu’en l’absence d’une information complète, il y a lieu d’annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Finistère, ensemble la décision du président du conseil général en tant qu’elles prononcent la récupération à concurrence du capital libéré par le décès de Mme X... qui n’est pas constitutif de la donation et de maintenir la récupération à l’encontre de la donataire, sous réserve pour le département de vérifier que le montant de la récupération décidée ne dépasse pas le montant de la prime ; que, dès lors, le recours susvisé doit être rejeté ; qu’il appartient à la requérante de communiquer audit département le montant de la prime pour qu’il puisse fixer définitivement le montant de la récupération à son encontre ; que le recours susvisé est rejeté,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Finistère, en date du 9 octobre 2009, ensemble la décision du président du conseil général en date du 5 mars 2009, sont annulées.
    Art. 2.  -  Le recours susvisé est rejeté.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, au ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient chacun en ce qui le concerne d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 23 mars 2011 où siégeaient M. ROSIER, président, M. MONY, assesseur, Mlle SAULI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 4 avril 2011.
    La République mande et ordonne au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, au ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer