Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Conditions - Etrangers
 

Dossier no 091596

Mme X...
Séance du 13 janvier 2011

Décision lue en séance publique le 28 janvier 2011

    Vu la requête en date du 27 mars 2009, présentée par Mme X..., qui demande à la commission centrale d’aide sociale d’annuler la décision du 12 février 2009 de la commission départementale d’aide sociale de la Loire rejetant sa requête tendant à l’annulation de la décision du 2 septembre 2008, par laquelle la caisse d’allocations familiales de la Loire, agissant par délégation du président du conseil général, a refusé de lui attribuer le bénéfice du revenu minimum d’insertion, ensemble la décision du 30 septembre 2008 du président du conseil général de la Loire rejetant son recours gracieux ;
    La requérante soutient que la cour nationale du droit d’asile lui accordé le bénéfice de la protection subsidiaire à compter du 2 octobre 2007 ; que les dispositions de l’article L. 262-9 du code de l’action sociale et des familles, imposant au réfugié demeurant régulièrement en France une condition de cinq ans de résidence ininterrompue sur le territoire pour se voir reconnaître le bénéfice du revenu minimum d’insertion, sont incompatibles avec les objectifs de la directive 2004/83/CE du 29 avril 2004 prévoyant une égalité d’accès à l’assistance sociale entre bénéficiaires de la protection subsidiaire et citoyens de l’Etat membre d’accueil ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2009, présenté par le président du conseil général de la Loire qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requérante ne peut prétendre à l’effet direct d’une directive européenne en droit interne ; que si elle relève l’incompatibilité des décisions attaquées avec la directive 2004/83/CE du 29 avril 2004, Mme X... ne peut prétendre à ce que les dispositions de l’article L. 262-9 du code de l’action sociale et des familles soient écartées ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la directive 2004/83/CE du conseil du 29 avril 2004 ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté de présenter des observations orales ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 13 janvier 2011, M. Fabrice AUBERT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que Mme X...., ressortissante angolaise, est entrée en France le 4 avril 2005 afin de solliciter l’asile ; qu’elle a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire à compter du 2 octobre 2007 et s’est vue délivrer à ce titre une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » l’autorisant à exercer une activité professionnelle ; qu’elle a sollicité le bénéfice du revenu minimum d’insertion le 21 août 2008 ; que sa demande a été refusée par la caisse d’allocations familiales par une décision du 2 septembre 2008, confirmée par une décision du président du conseil général en date du 30 septembre 2008, au motif qu’elle ne justifiait pas d’une durée de cinq de présence ininterrompue sur le territoire français ;
    Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au présent litige : « Toute personne résidant en France dont les ressources (...) n’atteignent pas le montant du revenu minimum d’insertion défini à l’article L. 262-2, qui est âgée de plus de vingt-cinq ans ou assume la charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit (...) à un revenu minimum d’insertion » ; qu’en vertu de l’article L. 262-9 du même code, sous réserve de l’incidence des engagements internationaux introduits dans l’ordre juridique interne, une personne de nationalité étrangère ne peut se voir reconnaître le bénéfice du revenu minimum d’insertion que si elle est titulaire, à la date du dépôt de sa demande, soit d’une carte de résident ou d’un titre de séjour prévu par un accord international et conférant des droits équivalents, soit, à défaut, d’un titre de séjour l’autorisant à exercer une activité professionnelle, pour autant, dans ce dernier cas, que l’intéressé justifie en cette qualité d’une résidence non interrompue de cinq années en France ;
    Considérant, d’autre part, que le bénéfice de la protection subsidiaire définie à l’article L. 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile assure la transposition en droit interne de la directive 2004/83/CE concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou à une protection internationale et relatives au contenu de ces statuts ; qu’aux termes de l’article 28 de ladite directive : « 1. Les Etats membres veillent à ce que les bénéficiaires du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire reçoivent, dans l’Etat membre ayant octroyé le statut, la même assistance sociale nécessaire que celle prévue pour les ressortissants de cet Etat membre. 2. Par dérogation à la règle générale énoncée au paragraphe 1, les Etats membres peuvent limiter aux prestations essentielles l’assistance sociale accordée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, ces prestations essentielles étant services au niveau et selon les conditions d’accès qui sont applicables leurs propres ressortissants » ; qu’au sens de ces dispositions, éclairées notamment par le préambule de la même directive, les prestations essentielles pour lesquelles les Etats membres sont en toute hypothèse tenus d’assurer aux bénéficiaires de la protection subsidiaire les mêmes conditions d’accès qu’à leurs propres ressortissants incluent le revenu minimum garanti, le cas échéant, par leur législation nationale ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède, ainsi que le soutient la requérante, que les dispositions de l’article L. 262-9 du code de l’action sociale et des familles, en tant qu’elles soumettent le droit au revenu minimum d’insertion des bénéficiaires de la protection subsidiaire à la condition d’une durée de séjour en France, sont incompatibles avec les objectifs de la directive précitée du 29 avril 2004 ; que la caisse d’allocations familiales et le président du conseil général de la Loire ne pouvaient dès lors légalement se fonder sur ces dispositions pour refuser à Mme X... le bénéfice du revenu minimum d’insertion ; que la décision du 27 mars 2009 de la commission départementale d’aide sociale de la Loire doit donc être annulée et qu’il y a lieu de renvoyer Mme X... devant le président du conseil général de la Loire pour que ce dernier se prononce à nouveau, dans un délai de deux mois, sur sa demande d’allocation à compter d’août 2008,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision du 12 février 2009 de la commission départementale d’aide sociale de la Loire est annulée.
    Art. 2.  -  Les décisions du 2 septembre 2008 et du 30 septembre 2008 du président du conseil général de la Loire sont annulées.
    Art. 3.  -  Mme X... est renvoyée devant le président du conseil général de la Loire afin qu’il se prononce sur sa demande de revenu minimum d’insertion à compter d’août 2008.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, au ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 13 janvier 2011 où siégeaient Mme ROUGE, présidente, M. MONY, assesseur, M. AUBERT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 28 janvier 2011.
    La République mande et ordonne au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, au ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer