Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Recours en récupération - Donation - Assurance-vie
 

Dossier no 100892

M. X...
Séance du 20 mai 2011

Décision lue en séance publique le 1er juillet 2011

    Vu enregistré à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Dordogne, le 7 juillet 2010, l’appel par lequel M. Y..., demeurant en Dordogne, demande au juge de l’aide sociale d’annuler la décision en date du 11 mars 2010 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne a confirmé celle du président du conseil général de la Dordogne du 18 décembre 2008 d’exercer à l’encontre de l’intéressé, en qualité de donataire, un recours en récupération des dépenses d’aide sociale engagées par la collectivité publique en faveur de M. X..., hébergé du 11 septembre 2006 au 9 juin 2008 à l’établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), et ce par les moyens que le contrat d’assurance en cas de décès dont l’appelant a bénéficié au décès de l’assisté ne saurait être requalifié de donation indirecte à défaut d’intention libérale de la part du donateur ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale, le 18 août 2010, le mémoire en défense du président du conseil général de la Dordogne tendant au rejet des conclusions de l’appel susvisé par les motifs que M. Y... entendrait faire croire, à tort, que le département souhaitait récupérer les sommes versées à M. X... au titre de l’aide personnalisée au logement ; que M. Y... refuse, en sa qualité de curateur de M. X..., de régler des frais d’auxiliaire de vie engagés par le département en faveur de celui-ci et que le contrat souscrit par l’assisté au bénéfice de l’appelant résultait d’une intention libérale de ce dernier, clairement exprimée lors tant de la conclusion que du dénouement de la convention d’assurance en cas de décès ;
    Vu enregistré, comme ci-dessus, le 19 novembre 2010, le mémoire en réplique de M. Y... tendant aux mêmes fins que l’appel ;
    Vu enregistré, comme ci-dessus, le 22 décembre 2010, le mémoire en duplique du président du conseil général de la Dordogne tendant aux mêmes fins que ses écritures en défense ;
    Vu enregistré, comme ci-dessus, le 28 janvier 2011, le nouveau mémoire en réplique de M. Y... tendant aux mêmes fins que l’appel ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code des assurances ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 20 mai 2011 M. GOUSSOT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que la preuve qui appartient à l’administration pour requalifier en donation indirecte - et non déguisée comme envisagé par le président du conseil général de la Dordogne - un contrat d’assurance-vie-décès n’est pas celle de l’absence d’intention libérale du bénéficiaire de second rang du vivant de l’assisté à l’égard de celui-ci, mais celle de l’existence d’une telle intention du stipulant à la date de souscription du contrat et du versement des primes à l’égard du bénéficiaire de second rang ; que les circonstances postérieures à ces dates peuvent être prises en compte pour corroborer l’intention libérale établie à ladite date mais ne sauraient se substituer aux circonstances existantes à celle-ci ;
    Considérant, en premier lieu, qu’à la date de souscription du contrat désignant M. Y... comme bénéficiaire de second rang et du versement des primes, M. X... était âgé de 74 ans, le 24 août 2000 ; qu’il n’est ni établi, ni même allégué, qu’à cette date M. X... fut atteint d’une affection emportant un pronostic vital défavorable à court ou moyen terme ; que d’ailleurs l’assisté est décédé le 9 juin 2008 ; que si la souscription a été effectuée concomitamment et à la suite de la vente de la maison de M. X... à M. Y... pour la somme de 28 965 euros, le montant de la prime versée était de 3 296 euros ; que la concomitance dont fait état le président du conseil général de la Dordogne ne saurait ainsi justifier par elle-même de l’intention libérale de M. X... à l’égard de M. Y... lors de la souscription du contrat ; que l’absence d’aléa lié aux circonstances de la souscription du contrat litigieux n’est pas établie ;
    Considérant, en deuxième lieu, que l’actif de la succession de M. X... lors de son décès était de l’ordre de 3 500 euros ; que, si cet actif a servi à hauteur de 3 049 euros à financer ses obsèques et que l’actif net de la succession n’a été en définitive que de l’ordre de 400 euros, il n’en demeure pas moins que les valeurs mobilières possédées par M. X... à son décès étaient d’un montant comparable à celui de la prime qu’il avait versée avant son admission à l’aide sociale ; qu’ainsi ces circonstances, si elles contribuent à justifier de ce que le contrat d’assurance-vie-décès n’avait pas été souscrit par M. X... pour bénéficier de services « post et ante mortem » de M. Y... et ne présentait pas ainsi un caractère « rémunératoire » des services passés ou à venir de celui-ci au moment de la souscription du contrat, n’établissent pas en tout cas que nonobstant l’aléa ci-dessus relevé les modalités de gestion de son patrimoine par M. X... contribuent à établir l’existence de son intention libérale au profit de M. Y... lors de la souscription dudit contrat ;
    Considérant enfin que même si M. Y... ne justifie pas quant à lui du montant exact et de l’utilisation des sommes retirées du capital constitué par la prime souscrite par M. X... et si sa lettre au juge des tutelles du 24 octobre 2003 (trois ans avant l’admission à l’aide sociale) s’inquiétant des retraits effectués par M. X... sur le montant des primes versées peut s’expliquer, comme l’envisage avec raison le président du conseil général de la Dordogne, par son souci de ne pas voir amoindrie la valeur du capital à lui promis si M. X... venait à décéder avant lui, ces circonstances, en tout état de cause, ne sont pas de nature par elles-mêmes à justifier que tant lors de la souscription du contrat que d’ailleurs ultérieurement M. X... ait manifesté à l’égard de M. Y... une intention libérale de nature à permettre de requalifier le contrat souscrit le 24 août 2000 en donation indirecte dès lors qu’à supposer même qu’elles auraient pu corroborer les éléments apportés par l’administration pour établir l’intention libérale à la date de souscription du contrat celle-ci n’a, comme il a été dit, pas justifié en quelque mesure de l’existence d’une telle intention à ladite date ; que dans ces conditions, quelles qu’aient pu être les intentions de M. Y... à l’égard de M. X... dont il était par ailleurs le curateur avec pouvoirs renforcés depuis 2003, comme les conditions dans lesquelles M. Y... s’est abstenu de verser les frais d’auxiliaire de vie de M. X... qui auraient dû être financés par l’utilisation de l’APA, versée à ce titre par le département et qui ne fait pas l’objet du présent litige, les moyens de M. Y... la concernant étant dans cette mesure inopérants, l’administration ne peut être regardée comme apportant la preuve dont elle a la charge qu’à la date de souscription du contrat et de versement des primes M. X... était effectivement animé à l’égard de M. Y... d’une intention libérale dans des conditions telles qu’elles justifient d’une requalification du contrat d’assurance-vie-décès dont il s’agit en donation indirecte,

Décide

    Art. 1er.  -  Les décisions de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne du 11 mars 2010 et du président du conseil général de la Dordogne du 18 décembre 2008 sont annulées.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 20 mai 2011, où siégeaient M. LEVY, président, Mlle THOMAS, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 1er juillet 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer