Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Recours en récupération - Donation - Assurance-vie
 

Dossier no 100907

Mme X...
Séance du 20 mai 2011

Décision lue en séance publique le 1er juillet 2011

    Vu enregistré à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de l’Yonne, le 20 mai 2010, l’appel par lequel MM. P..., Mme P... et Mme P... épouse R..., assistés de maître Denis JACQUIN, avocat, demandent l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne du 9 mars 2010 ayant confirmé celle du président du conseil général de ce département d’engager un recours sur les bénéficiaires des contrats d’assurance en cas de décès souscrits par Mme X..., décédée le 15 novembre 2008 et bénéficiaire de l’aide sociale pour services ménagers du 1er septembre 1981 au 31 décembre 2000, et requalifiés de donations indirectes, et ce par les moyens que les deux éléments nécessaires à justifier cette requalification, à savoir l’intention libérale du souscripteur et l’effectivité du transfert de fonds avant le décès ne sont pas réunies en l’espèce ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense en date du 19 juillet 2010 par lequel le président du conseil général de l’Yonne conclut au rejet des conclusions de l’appel par les motifs que les deux contrats doivent être requalifiés de donations indirectes en raison de l’âge de Mme X... à la date de la souscription de chacun d’eux et du montant des primes versées qui représentaient environ 50 % des disponibilités de l’intéressée ;
    Vu enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale, le 26 octobre 2010, le mémoire en réponse par lequel maître Denis JACQUIN, agissant pour le compte des consorts P..., réitère les moyens et conclusions de l’appel ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 20 mai 2011 M. GOUSSOT, rapporteur, maître Denis JACQUIN, avocat, en ses observations, Mme P..., en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’à la date du 7 avril 2009 aucune disposition ne permettait à une « commission d’admission à l’aide sociale » de prendre une décision de récupération qui relevait de la seule compétence du président du conseil général ; qu’il y a lieu d’annuler la décision prise incompétemment par cette instance et en tant qu’elle n’a pas procédé elle-même à cette annulation la décision attaquée de la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département : 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande (...) » ;
    Considérant, par ailleurs, qu’aux termes de l’article L. 132-12 du code des assurances : « Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré. » ; que le contrat souscrit à cet effet auprès de l’assureur, s’il ne constitue pas une donation au sens de l’article 931 du code civil en tant qu’il n’est pas un acte authentique, peut être néanmoins requalifié de donation indirecte lorsqu’il procède d’une intention libérale du souscripteur ; que l’administration, sous le contrôle du juge, est fondée à rechercher cette intention en vue de récupérer les dépenses d’aide sociale engagées en faveur d’une personne décédée ayant conclu un tel contrat ; qu’il lui appartient de l’établir à la date de la souscription du contrat, nonobstant le versement du capital promis au bénéficiaire du second rang au décès du stipulant, en tenant compte de l’âge de l’assisté à la date de la souscription, du mode de versement des primes, de leur montant au regard de l’ensemble de ses disponibilités ; que l’administration et le juge peuvent, néanmoins, tenir compte de circonstances postérieures à celles existant à la date de la stipulation de nature à corroborer ces dernières, notamment en prenant en compte l’évolution du patrimoine de l’assistée entre la souscription des primes et son décès et la structure de son patrimoine à la date de ce décès résultant de cette évolution ;
    Considérant qu’en l’espèce Mme X..., décédée le 15 novembre 2008, a bénéficié de l’aide sociale pour services ménagers du 1er septembre 1981 au 31 décembre 2000, pour un montant de 47 280,55 euros ; qu’elle a souscrit, les 15 juin 1998 et 12 mars 2002, deux contrats d’assurance en cas de décès par lesquels elle a désigné comme bénéficiaires des capitaux garantis, soit respectivement 8 096,70 euros et 11 877 euros, ses enfants, par parts égales, pour le premier, M. P... et Mme P..., par parts égales, pour le second ; qu’elle était âgée de 84 et 88 ans lorsqu’elle a conclu lesdits contrats ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme X... ait entendu bénéficier d’une rente viagère au terme du premier contrat, qui était un plan d’épargne populaire placé par une institution de prévoyance sous la forme d’un produit d’assurance sur la vie, ni modifier la liste des bénéficiaires de l’une et l’autre de ces conventions ; qu’enfin, à la date de son décès, le montant des capitaux souscrits représentait 37 % de l’ensemble de son patrimoine et près de 50 % de la composante mobilière de ce dernier ; que si, certes, lors de la souscription des contrats, le pourcentage des capitaux autres que ceux placés au titre de ces contrats était plus important, Mme X... ne s’est pas dans l’intervalle défaite des produits du placement constitués par les contrats d’assurance-vie mais bien d’autres capitaux alors qu’il n’est pas établi ni même allégué qu’une bonne gestion de son patrimoine imposât par elle-même les choix de gestion ainsi effectués ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’intention libérale de Mme X... à la date de souscription des contrats litigieux peut être regardée comme établie ; que la requête doit être rejetée et que les requérants ne sont pas fondés à solliciter la décharge de la récupération litigieuse,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision d’une « commission d’admission à l’aide sociale » du 7 avril 2009, ensemble la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne en date du 9 mars 2010, en tant qu’elle n’a pas soulevé l’incompétence de ladite commission, sont annulées.
    Art. 2.  -  Le surplus des conclusions de la requête des consorts P... est rejeté.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 20 mai 2011, où siégeaient M. LEVY, président, Mlle THOMAS, assesseure, M. GOUSSOT, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 1er juillet 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer