Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2420
 
  OBLIGATION ALIMENTAIRE  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Recours en récupération - Donation - Assurance-vie
 

Dossier no 090325

Mme X...
Séance du 26 janvier 2011

Décision lue en séance publique le 7 février 2011

    Vu le recours formé le 2 novembre 2008 par MM. A... et B... et Mmes C..., D..., E... et F... tendant à l’annulation d’une décision, en date du 9 septembre 2008, par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Jura a confirmé la décision du président du conseil général, en date du 2 avril 2008, la récupération partielle à l’encontre des bénéficiaires d’un contrat assurance-vie requalifié en donation des sommes avancées par le département à Mme X... bénéficiaire de l’aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de ses frais d’ébergement du 1er février 2000 au 14 janvier 2007, date de son décès, et de la prestation spécifique dépendance du 1er août 2000 au 31 décembre 2001 pour un montant total de 18 638 euros, en ramenant son montant à 8 478,45 euros ;
    Les requérants contestent la requalification du contrat assurance-vie en donation, soutenant qu’il n’y a pas eu d’intention libérale de la part de leur grand-mère et tante et demandent l’annulation de la décision de récupération à l’encontre des donataires ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en appel, en date du 6 février 2009, du président du conseil général ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les lettres en date du 23 mars 2009 du secrétaire général de la commission centrale d’aide sociale informant les parties de la possibilité d’être entendues ;
    Après avoir entendu en séance publique Mlle SAULI, rapporteure, en son rapport, et avoir délibéré, hors de la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 132-8, (1o) du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés par l’administration (...) sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale » qu’aux termes du 2o dudit article » : « Des recours sont exercés par l’administration (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; qu’aux termes de l’article R. 132-12 du code de l’action sociale et des familles : « Ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale » ;
    Considérant, par ailleurs, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;
    Considérant toutefois que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’aide judiciaire ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X... a bénéficié, d’une part, de la prise en charge par l’aide sociale aux personnes âgées des frais d’hébergement non couverts par ses ressources pour la période du 1er février 2000 au 14 janvier 2007, date de son décès pour un montant total de 17 376,24 euros, d’autre part, d’une prestation spécifique dépendance du 1er août 2000 au 31 décembre 2001 pour un montant de 1 262,19 euros ; que les sommes qui ont été avancées à Mme X... à ce double titre par le département pour l’ensemble de la période du 1er février 2000 au 14 janvier 2007 se sont élevées au total à 18 638,43 euros ; que Mme X... - née le 1er janvier 1908 - avait souscrit le 20 mai 1992 un contrat d’assurance-vie pour un montant de prime versée de 7 637,70 euros (50 100 francs) au profit de ses petits-enfants, auxquels elle a ajouté le 19 octobre suivant ses neveux et nièces ; que le président du conseil général du Jura, en se fondant sur l’âge de Mme X... à la date de souscription du contrat d’assurance-vie (84 ans), rapproché de sa durée, ainsi que sur la prime versée et les bénéficiaires désignés - alors même que ses ressources lorsqu’elle a été placée s’étant avérées insuffisantes à couvrir les frais ont nécessité sa prise en charge par l’aide sociale départementale - a estimé que Mme X... avait bien fait preuve d’une intention libérale à leur égard et que, légalement, il pouvait en déduire que ces derniers devaient être regardés comme les bénéficiaires d’une donation ; que par décision, en date du 2 avril 2008, ledit président a prononcé la récupération à l’encontre des donataires de la somme de 9 671 euros - arrêtée sur la base de documents fiscaux - au titre de la créance départementale totale ; que, suite à une contestation de cette décision, la commission départementale du Jura, par décision en date du 9 septembre 2008, a confirmé la récupération à l’encontre des donataires d’une somme ramenée à 8 478,45 euros calculée à partir du total du capital libéré par le décès de Mme X... ;
    Considérant qu’il ressort des pièces figurant au dossier que le montant des primes versées par Mme X... se sont élevées pour ses quatre petits-enfants, à raison de 1 527,54 euros, à 6 110,16 euros et pour ses trois neveu et nièces, à raison de 509,18 euros chacun, à 1.527,54 euros, soit au total pour l’ensemble des bénéficiaires à 7 637,70 euros ; que le capital libéré au décès de Mme X... s’est élevé au total à 8 478,63 euros, soit 1 695,70 euros pour chacun des petits-enfants et 565,28 euros chacun pour les neveu et nièces ;
    Considérant que la donation a bien été effectuée dans la période définie par l’article 132-8 susmentionné et qu’aucun seuil de récupération n’est opposable en ce qui concerne les recours à l’encontre des donataires ; que la circonstance selon laquelle Mme X... a effectué des retraits aux fins, par ailleurs, de couvrir non pas des dépenses liées à la dépendance, mais un découvert bancaire résultant de commandes excessives auprès d’un démarcheur à domicile dont elle n’a vraisemblablement pas fait une utilisation exclusivement personnelle compte tenu de leur nature et de la date à laquelle elles sont intervenues est d’autant moins de nature à modifier le montant de la donation que le capital libéré par le décès de Mme X... dépassait le montant total de la prime versée lors de sa souscription qui, elle seule, est constitutive de l’intention libérale ; qu’en conséquence, la commission départementale d’aide sociale du Jura a fait une exacte appréciation des conséquences en confirmant la décision du président du conseil général en date 2 avril 2008 requalifiant le contrat assurance-vie souscrit par Mme X... en donation ; que, néanmoins, ladite commission, ensemble le président du conseil général ont commis une erreur de droit en prononçant la récupération de la créance départementale sur le capital libéré et non sur la prime constitutive de la donation ; que, dans ces conditions, la décision de la commission départementale d’aide sociale du Jura, ensemble la décision du président du conseil général susmentionnées doivent être annulées ; qu’il y a lieu de prononcer à l’encontre des donataires la récupération de la somme totale de 7 637,70 euros correspondant à la prime investie par Mme X... sur le contrat assurance-vie, au prorata du montant investi pour chaque donataire, au titre des sommes qui lui ont été avancées par le département pour l’aide sociale aux personnes âgées et la prestation spécifique dépendance du 1er février 2000 au 14 janvier 2007 ; que, dès lors, le recours susvisé ne saurait être accueilli,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Jura, en date du 9 septembre 2008, ensemble la décision du président du conseil général, est annulée, en tant qu’elle prononce la récupération à l’encontre des donataires sur le capital libéré par le décès de Mme X....
    Art. 2.  -  La récupération à l’encontre des donataires est fixée à 7 637,70 euros.
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions est rejeté.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 26 janvier 2011, où siégeaient M. BOILLOT, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mlle SAULI, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 7 février 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer