Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES ÂGÉES (ASPA)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) - Conditions de ressources - Motivation
 

Dossier no 100929

Mme X...
Séance du 1er juillet 2011

Décision lue en séance publique le 19 juillet 2011

    Vu enregistrée à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Seine-et-Marne le 15 février 2010, la requête présentée par Mme Y... demeurant en Seine-et-Marne, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de Seine-et-Marne du 17 décembre 2009 qui a confirmé la décision du président du conseil général de Seine-et-Marne du 30 juillet 2009 de refus de prise en charge des frais de placement de sa mère en maison de retraite par les moyens que les avis d’imposition d’elle-même et de sa mère prouverons que leurs ressources sont faibles et qu’il lui est impossible de subvenir aux besoins de sa mère ; qu’elle ne comprend pas que depuis juin 1999 elle s’occupe de sa mère alors qu’elle a des frères et sœurs qui n’ont jamais cherché à savoir si leur mère pouvait vivre avec sa pension de réversion ni demandé quel en était le montant ; que sa sœur Z... possède des biens et une crêperie ; que son frère W... travaille à la SNCF et sa compagne à la préfecture ; que son frère R... est militaire dans l’armée de l’air ; que tous les trois ont de bons revenus ; que personnellement avec son état de santé précaire elle est en invalidité avec interdiction de travailler ; qu’elle ne vit qu’avec le minimum vieillesse et que la donation de sa mère est ce qui pouvait lui arriver de mieux ; que s’il fallait qu’elle renonce à la donation elle le ferait volontiers rendant à sa mère la part de l’appartement car elle est lasse de tout cela ; qu’elle sera hospitalisée du 11 février au 15 mars puis ira en cure du 19 avril au 15 mai ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 15 mars 2010, le mémoire en défense du président du conseil général de Seine-et-Marne qui conclut au rejet de la requête par les motifs que Mme X... est entrée en maison de retraite le 19 janvier 2009 sollicitant la prise en charge de ses frais d’hébergement ; qu’à l’exception de Mme Y..., trois des quatre enfants n’ont pas répondu à l’obligation alimentaire ; que le coût mensuel des frais d’hébergement s’élève à 1 992,29 euros ; que les ressources mensuelles de Mme X... s’élèvent à 680,74 euros ; qu’elle perçoit une allocation logement de 230,24 euros et possède 3 livrets d’épargne d’un montant total de 11 035,84 euros ; que, le 20 janvier 2006, Mme X... a fait une donation entre vifs, par acte notarié, au profit de sa fille Mme Y..., d’une maison et d’un garage libres de toute occupation située à Morée (41), évaluée à 21 000 euros après déduction de l’usufruit réservée par le donateur évalué à 5 250 euros ; que le 30 juillet 2009 le président du conseil général de Seine-et-Marne a décidé d’un rejet à compter du 19 janvier 2009, compte tenu de cette donation ; que la valeur des biens couvre les frais de placement pendant 22 mois ; que le département de Seine-et-Marne est en droit d’exercer un recours contre les donations intervenues postérieurement à la demande d’admission ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; que l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles prévoit que des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département notamment contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; que la donation a été faite par Mme X... au bénéfice de sa fille Mme Y... par acte notarié, en date du 26 janvier 2006 ; que par conséquent le département de Seine-et-Marne était en droit de refuser la demande de prise en charge des frais d’hébergement de Mme X..., faite le 19 janvier 2009 ; que le président du conseil général demande le maintien de la décision prise le 30 juillet 2009 de rejet à compter du 19 janvier 2009 compte tenu de la donation faite au bénéfice de Mme Y... ;
    Vu enregistré le 4 octobre 2010, le mémoire en réplique de Mme Y... qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que le montant de l’hébergement avec ticket modérateur s’élève à 2 304,23 euros par mois ; qu’en date du 19 janvier 2009 elle avait bien la somme de 11 035,84 euros sur ses livrets, mais que ceux-ci sont clos car elle a dû les solder pour payer l’hébergement de sa mère en établissement ; que son allocation logement s’élève à 125,06 euros depuis le 1er février 2009 ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 1er juillet 2011 Mlle ERDMANN, rapporteure, Mme Y..., en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens de la requête ;
    Considérant que les dispositions régissant l’admission à l’aide sociale et celles régissant la récupération, notamment contre le donataire après avance des prestations par la collectivité d’aide sociale, sont distinctes et que l’application des secondes ne saurait légalement être substituée à celle des premières sans qu’il ait été fait préalablement usage de celles-ci par l’administration ; que le président du conseil général de Seine-et-Marne ne pouvait légalement comme il l’a fait refuser l’admission à l’aide sociale de Mme X... qui avait quatre enfants, obligés alimentaires dont la requérante, au motif que les trois autres coobligés refusaient de répondre à l’enquête destinée à l’évaluation de leurs participations à la différence de la requérante, alors d’ailleurs qu’il n’est pas contesté que la situation de ces trois coobligés était plus aisée que celle de leur sœur, au motif que Mme X... avait fait une donation dont le montant permettait de couvrir les frais d’hébergement et d’entretien pour une certaine période ; qu’en procédant ainsi l’administration et les premiers juges ont commis une erreur de droit qui ne relève pas simplement d’une fausse application des dispositions relatives à la récupération et/ou de celles relatives à l’admission à l’aide sociale mais d’une méconnaissance du champ d’application des dispositions relatives respectivement à l’admission à l’aide sociale et à la récupération contre le donataire, un tel moyen étant d’ordre public pour le juge et devant être soulevé d’office ;
    Considérant que le juge de l’aide sociale, saisi dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel, n’est pas seulement juge de la légalité de la décision administrative qui lui est déférée mais qu’il lui appartient de statuer sur le droit à l’aide sociale du demandeur d’aide ; que, s’il est vrai que la décision attaquée doit être regardée comme prise non à l’égard de Mme X..., la demanderesse d’aide, mais à l’égard de Mme Y..., sa fille, en qualité de donataire, il n’en appartient pas moins en l’espèce au juge de l’aide sociale d’admettre Mme X... à l’aide sociale à charge pour le président du conseil général de Seine-et-Marne de rechercher, s’il s’y croit fondé, les débiteurs d’aliments devant l’autorité judiciaire afin qu’il soit statué sur leurs participations compte tenu de l’application par cette autorité du principe « aliments ne s’arréragent pas » ; que dans l’intervalle, en effet, Mme X... ne saurait être raisonnablement laissée dans l’obligation de financer sur l’ensemble de ses revenus sans même disposer du minimum de revenus auquel elle a droit l’ensemble de ses frais d’hébergement et d’entretien ou encore l’établissement mis en situation soit d’obérer sa trésorerie, soit de refuser la poursuite de l’admission ; que de même pour l’application de la présente décision et alors qu’il apparaît du dossier que si au moment de la demande d’admission Mme X... possédait trois livrets d’épargne ceux-ci ont dû être utilisés dans l’intervalle, il n’y aura pas lieu de tenir compte fût-ce rétroactivement des revenus qui étaient ceux desdits livrets tant qu’ils ont été en possession de Mme X... ; qu’ainsi les frais d’aide sociale sont à charge de l’administration déduction faite de la participation de l’assistée sur ses revenus mais hors prise en compte des revenus des trois livrets d’épargne précités et après distraction de cette participation du minimum de revenu auquel elle avait légalement droit durant la période en cause ; que certes en procédant ainsi le juge de plein contentieux de l’aide sociale tire des conséquences étendues en droit de ce qu’il n’est pas seulement juge de la légalité de la décision administrative déférée mais encore juge du droit à l’aide sociale du demandeur, mais que la décision attaquée du 30 juillet 2009 est bien une décision de refus d’admission à l’aide sociale de Mme X... et non une décision de récupération à l’encontre de Mme Y... ; qu’ainsi, pour l’application de la présente décision qui statue sur un refus d’admission à l’aide sociale, il appartiendra à l’administration de faire l’avance de l’ensemble de la participation de l’aide sociale déduction faite des ressources personnelles de Mme X... affectables à ses frais d’hébergement et d’entretien déterminées comme ci-dessus, puis si elle s’y croit fondée d’user des voies de droit dont elle dispose à l’encontre de chacun des débiteurs d’aliments pour faire fixer leurs participations par l’autorité judiciaire ;
    Considérant que le président du conseil général a rejeté la demande à compter du 19 janvier 2009, date d’admission de Mme X... à l’EHPAD ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale que la demande ait été déposée à une date telle qu’au regard des dispositions de l’article R. 131-2, 2e alinéa, du code de l’action sociale et des familles le droit ne soit pas ouvert à compter de cette date ; qu’ainsi l’admission sera prononcée à compter du 19 janvier 2009,

Décide

    Art. 1er.  -  Les décisions du président du conseil général de Seine-et-Marne du 30 juillet 2009 et de la commission départementale d’aide sociale de Seine-et-Marne du 17 décembre 2009 sont annulées.
    Art. 2.  -  Mme X... est admise à l’aide sociale à l’hébergement des personnes âgées pour la prise en charge de ses frais d’hébergement et d’entretien à la maison de retraite M... sous déduction de ses ressources personnelles affectables à la couverture desdits frais après détermination du minimum de revenus dont elle peut légalement disposer et sans qu’il soit tenu compte des revenus des trois livrets d’épargne que possédait Mme X... à la date de la demande mais qu’elle ne possède plus à la date où il sera légalement statué sur celle-ci, sous réserve de l’exercice par le président du conseil général de Seine-et-Marne des voies de droit dont il dispose à l’encontre des obligés alimentaires de Mme X... devant l’autorité judiciaire.
    Art. 3.  -  Mme Y... est renvoyée devant le président du conseil général de Seine-et-Marne afin qu’il soit statué sur le droit à l’aide sociale de Mme X... conformément à l’article 2 et aux motifs de la présente décision.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 1er juillet 2011, où siégeaient M. LEVY, président, Mlle THOMAS, assesseure, Mlle ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 19 juillet 2011.
    La République mande et ordonne à la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer