Vœux aux forces vives de François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention

30 janvier 2023

Discours du ministre de la Santé et de la Prévention lors de la cérémonie des vœux aux forces vives.
Seul le prononcé fait foi.

Madame la Ministre, Chère Agnès,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Directeurs Généraux,
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités,
Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Vous connaissez tous mon engagement pour la santé, au quotidien. Mon engagement de médecin pour les patients Aujourd’hui de Ministre pour la santé des Français. De tous les Français.

Ce sont ces engagements qui ne font avancer, qui m’ont conduit içi, devant vous.

Je crois pouvoir vous dire avec force que 2023 marquera un tournant.

Ce tournant, je l’attends depuis longtemps, et c’est ce qui me permet de vous dire avec assurance la chose suivante : 2023 sera déterminante pour la santé de nos concitoyens, et pour l’ensemble de notre système de santé.

Ensemble, et je dis bien ensemble, nous allons trouver le moyen de sortir de l’enchaînement infernal des crises, et casser cette spirale dépressive qui touche tous les acteurs et toutes les composantes de notre système.

Nous allons reprendre la main et inverser la tendance. Reprendre notre système de santé en main.

Beaucoup d’entre vous n’en peuvent plus : infirmiers, aides-soignants, médecins de ville et d’hôpital… votre patience est à bout et notre système souffre. Il soigne, il sauve tous les jours. Mais il souffre.

Tous ici, nous en avons conscience.

Nos concitoyens, nos élus qui sont à leurs côtés, en ont aussi conscience.

  • Cette conscience, elle m’oblige, elle nous oblige.
  • Cette conscience, elle rend nécessaire que nous consacrions toute notre énergie au service de l’intérêt des Français, avec un esprit de dépassement. Nous devons dépasser les lignes de fracture qui s’étaient effacées face à l’urgence mondiale de la pandémie, mais qui ont repris de la vigueur, trop de vigueur, au moment des épidémies hivernales.
  • Cette conscience, elle implique une forme d’urgence. Elle exige d’avancer vite, mais sans précipitation, avec rigueur, de faire les bons choix, sans céder à la tentation des potions « magiques » que certains appellent de leurs voeux. Gardons-nous, tous, des mirages, des remèdes miracles et de la démagogie.
  • Notre santé mérite mieux que des raccourcis !

Oui, notre système de santé doit faire sa mue :

  • La raréfaction de la ressource médicale,
  • Le vieillissement de notre population,
  • La mutation des modes de vies et des aspirations des professionnels de santé sont au moins trois facteurs puissants de changement.

Ce sont là des déterminants d’une crise systémique, dans un monde qui change. Cette situation de crise, profonde et permanente, elle n’est pas propre à notre pays.
Ce qui me frappe d’ailleurs, c’est que quel que soit le modèle d’organisation retenu, aussi différent soit-il du nôtre, tantôt loué, tantôt critiqué, LA SITUATION EST PARTOUT AU POINT DE RUPTURE.

On peut le regretter, mais ces évolutions sont là. Nous devons y faire face, avec lucidité et courage, sans jamais perdre de vue les attentes de nos concitoyens.

Je formule dès lors, pour cette nouvelle année, le vœu que nous puissions avancer ensemble avec humilité et volontarisme

  • En acceptant parfois de prendre des risques, et même de nous tromper,
  • En partant du principe que la réponse viendra de la force des collectifs de nos territoires,
  • En investissant tout autant sur la qualité de vie au travail de nos professionnels que sur les réponses plus directes à nos concitoyens en matière d’accès à la santé, les deux étant intimement liés.

L’année qui s’achève a été difficile pour tous, en particulier pour vous, qui oeuvrez au service des autres et qui tenez la barre dans la tempête. Avec Agnès FIRMIN LE BODO, notre engagement est total, à vos côtés, pour la refondation de notre système de santé, au service des Françaises et des Français, et au service de tous ceux qui les soignent.

Aussi, C’EST UN MESSAGE D’ESPOIR, DE CONFIANCE MAIS AUSSI DE FERMETE que je veux vous adresser.

Vous le savez, la santé fait partie des priorités de ce Gouvernement.

Le 6 janvier dernier, le Président de la République a tenu à adresser ses vœux directement aux acteurs de la santé. Cela témoigne de l’importance accordée à ce que nous réussissions les changements profonds auxquels aspirent les professionnels de santé et les Français.

À cette occasion, des engagements importants ont été pris :

  • Pour les soignants : redonner du sens et améliorer la qualité de vie au travail, mais aussi – et c’est un axe essentiel pour moi – libérer du temps médical, à l’hôpital comme en ville. C’est une attente que tous les personnels de santé partagent.
  • Pour les Français : assurer la continuité, la qualité, la permanence et l’universalité de l’accès aux soins.

C’est précisément sur cette promesse originelle d’universalité que notre modèle social a été fondé en 1945. C’est ce qu’ont voulu le Général DE GAULLE, LAROQUE, CROIZAT, PARODI et DEBRE.

Vous me connaissez maintenant ! Je ne convoque pas ces grands noms pour faire des effets de manche ! Ce n’est pas mon style… Non, je les convoque car, quand ce sera difficile – et ce sera difficile – quand il nous faudra du courage pour avancer en 2023, nous devrons nous rappeler que ce principe d’universalité nous guide, qu’il donne le sens et le cap.

Mon ambition, comme ministre de la Santé et de la Prévention, c’est de mener la lutte contre toutes les inégalités. Qu’elles soient économiques et sociales, géographiques, liées à des vulnérabilités particulières, comme le handicap et le grand-âge…

  • Quand nous renforçons l’hôpital et la ville ;
  • Quand nous luttons contre les pénuries de médicaments ;
  • Quand nous faisons revenir chez nous la fabrication des molécules essentielles ;
  • Quand nous créons les conditions de développement de l’exercice coordonné ;
  • Quand nous améliorons la qualité de vie de nos soignants et que nous soutenons la formation, la recherche, l’innovation et le numérique ;
  • Quand nous déployons des mesures fortes de prévention à tous les âges.

C’est bien pour l’égalité d’accès à la santé que nous le faisons. C’est notre boussole, et cela doit rester notre boussole en toutes circonstances.

Le chef de l’État a fixé des orientations. Elles sont la confirmation des mouvements engagés depuis notre arrivée en juillet, et pour certains depuis plus longtemps.
Il s’agit de donner de nouveaux moyens et de nouveaux leviers au terrain, qui saura ensuite s’organiser et les déployer.

C’est tout à la fois un objectif et une méthode.

Des leviers nouveaux, nous en avons déjà créé :

  • Je pense, bien sûr, aux premières mesures prises cet été, puis pérennisées depuis, pour assurer la continuité de fonctionnement de notre système, en renforçant la réponse aux besoins de soins non programmés dans les territoires.
  • Je pense aussi aux premières mesures de compensation de la pénibilité, notamment du travail de nuit, prises depuis l’été, pour reconnaître l’engagement des professionnels qui acceptent la contrainte de la permanence des soins, dans une société où cela ne va plus de soi, même lorsque l’on est soignant.
  • Je pense également à la résolution d’iniquités très durement ressenties à l’hôpital, avec la décision que nous avons prise, par exemple, d’étendre la prime de soins critiques à tous les personnels soignants qui travaillent dans ces services.
  • Je pense, encore, au budget de la Sécurité sociale pour 2023… Cette LFSS 2023 comprend de nombreuses mesures pour permettre chaque jour à nos soignants, à l’hôpital comme en ville, de faire au mieux leur travail, de soigner, de guérir, de sauver des vies.
  • Il s’agit par exemple de la création d’une quatrième année de formation en médecine générale, dont nous continuons encore de construire les contours avec toutes les parties prenantes, pour qu’elle soit une mise en oeuvre avec succès d’ici quelques mois.
  • Il s’agit de mettre radicalement l’accent sur la prévention, avec les rendez-vous tout au long de la vie, la gratuité des préservatifs pour les moins de 26 ans, le dépistage totalement pris en charge des infections sexuellement transmissibles, l’élargissement des diagnostics néonataux, la généralisation du dépistage de la drépanocytose ou encore la gratuité de la contraception d’urgence pour toutes les femmes, sans condition. C’est un virage radical que nous amorçons, car il sauvera des vies et soulagera notre système de santé.
  • Je veux aussi évoquer devant vous les grandes avancées que représentent la généralisation de Mon Espace Santé, et le lancement de son catalogue d’applications. L’encouragement de l’innovation ou encore les magnifiques avancées de la recherche qui ont, par exemple, permis l’élargissement de la prise en charge du KAFTRIO pour les jeunes enfants atteints de mucoviscidose.
  • Je pense, enfin, aux avancées permises par le travail conjoint avec les parlementaires, qu’il s’agisse de la création d’une sixième année d’études de maïeutique, ou des réflexions sur l’élargissement des compétences des professionnels de santé dans le cadre des exercices coordonnés. J’en profite pour saluer la rapporteure Stéphanie Rist, dont la proposition de loi poursuivra bientôt son chemin au Sénat.

Toutes ces avancées concrètes pour la santé des Français, nous les avons faites ensemble.

Sachons regarder le chemin parcouru, non pour redouter l’avenir, mais pour construire des voies de progrès pour les Français et pour les soignants.

En 2023, nous mettrons résolument au service de nos territoires et de nos professionnels de nouvelles avancées. Dans la droite ligne du cap fixé par le Président de la République et la Première ministre, je vous propose que nous nous donnions, aujourd’hui, dix objectifs clefs pour inventer l’avenir de notre système de santé.

1/ Le premier, c’est de garantir, à tous les Français souffrant d’une affection de longue durée, un accès à un médecin traitant.

Aujourd’hui, plus de 600 000 d’entre eux sont privés d’un suivi régulier. Ce n’est plus acceptable, nous devons y mettre fin.

  • Sous l’égide de l’Assurance maladie, une instance de pilotage sera installée au niveau national dans les prochaines semaines avec l’ensemble des acteurs. Cette démarche sera déclinée dans chaque territoire. D’ici fin juin, tous les patients en ALD et n’ayant pas déclaré de médecin traitant auront été contactés, pour leur proposer des solutions concrètes grâce à la mobilisation des acteurs de terrain.
  • Parallèlement, nous travaillerons aux conditions du développement d’équipes traitantes pluri-professionnelles, pour garantir un accompagnement de proximité autour du médecin traitant. Cet accompagnement devra faire toute sa place aux différents professionnels du territoire, mais aussi aux patients experts ou aux pairs aidants, dont on sait le rôle fondamental dans la prise en charge de la maladie, en particulier lorsqu’elle est chronique. Nous nous mobiliserons pour soutenir l’accélération du développement de ces équipes dans les territoires.

Aussi, je souhaite, dans le cadre des négociations en cours, que l’Assurance maladie et les médecins définissent les moyens de mieux reconnaître et valoriser le rôle et l’engagement des médecins traitants.

2/ Notre deuxième objectif, j’en fais une priorité, c’est de redonner du temps médical et, au-delà, du temps soignant, en ville comme à l’hôpital.

Nous allons accélérer le décloisonnement de notre système de santé, poursuivre le renforcement de nos effectifs et mobiliser tous les leviers nous permettant de gagner du temps de soins, au service des patients.

Alors que la démographie médicale continuera de se dégrader ces prochaines années, nous avons là un enjeu absolument majeur : permettre aux soignants de se concentrer sur le coeur de leur métier.

  • J’annoncerai dès février des simplifications nouvelles sur la base des conclusions de la mission portée par le docteur Jacques Franzoni et Pierre Albertini. Nous veillerons, avec mes collègues du Gouvernement, à faire respecter dans tous les secteurs les simplifications déjà acquises pour éviter le recours inutile au médecin, je pense en particulier aux certificats médicaux déjà supprimés, mais toujours sollicités dans de multiples circonstances.
  • J’ai aussi demandé à l’Assurance maladie, dans le cadre des négociations conventionnelles avec les syndicats libéraux, de proposer un système simplifié de recours aux assistants médicaux, dont le nombre devra atteindre 10 000 à fin 2024. En complément, elle renforcera son offre de service pour faciliter les démarches des médecins qui s’engageraient dans cette voie pour augmenter leur patientèle. Un plan spécifique sera construit pour expliquer et faire connaître le dispositif.
  • De la même façon, un travail sera rapidement engagé pour faciliter la vie des soignants à l’hôpital et identifier les soutiens logistiques, techniques et administratifs qui pourront utilement être projetés au plus près des services. Là aussi pour libérer du temps soignant.

Il nous faudra aussi renforcer l’exercice coordonné.

Je le dis solennellement ici : nous devons nous mobiliser pour que l’exercice isolé devienne l’exception.

Dans un cadre qui doit être organisé (par exemple en garantissant la traçabilité de toutes les prises en charge à travers « Mon espace santé »), ces exercices coordonnés doivent permettre de positionner chaque professionnel sur son cœur de valeur.

À ce titre, la simplification des protocoles de coopération devra permettre de soutenir, en fonction des besoins spécifiques de chaque territoire, des dynamiques de projets, telles qu’elles ont été largement remontées dans les CNR territoriaux.

Ces projets d’exercice coordonné, nous devrons les accompagner, de manière très concrète : qu’il s’agisse par exemple de la création d’une MSP ou de la constitution d’une équipe de soins primaires ou d’une équipe de soins spécialisés, je souhaite que les professionnels soient accompagnés, aidés dans leurs projets, dans une logique de guichet unique.

J’ai souhaité, à ce titre, que le Directeur Général de la CNAM relance, rapidement, les travaux autour des équipes de soins primaires et des équipes de soins spécialisés.

Cette démarche va de pair avec les dynamiques nouvelles de répartition des tâches entre professionnels de santé, notamment pour concentrer le temps médical sur ce qui fait sa plus-value. Ce mouvement est le corollaire de celui qui vise à construire les équipes autour du médecin traitant.

Ces deux mouvements, nous devons les porter en même temps, sans les opposer.

À ceux qui réclament un accès direct dérégulé, je dis très sereinement que je ne le permettrai pas.

À ceux qui défendent, à l’inverse, le statu quo, je dis que cela est mortifère, et que cela n’est pas, non plus, mon chemin.

À ceux qui portent haut le mépris et l’invective contre telle ou telle profession, je dis que ces comportements n’ont pas leur place dans la communauté des soignants.

Oui, nous allons poursuivre ce à quoi nous nous sommes attelés, grâce aux leviers que constituent la pratique avancée, les protocoles de coopération, les partages et les délégations de compétences.

Ces leviers doivent se déployer, je le redis, dans des organisations territoriales coordonnées.

Enfin, ce mouvement ira de pair avec le traitement de situations souvent inacceptables pour nos concitoyens. Comme l’emblématique difficulté observée dans de nombreux territoires pour la réalisation des certificats de décès. La loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2023 ouvre la voie à une expérimentation, je m’assurerai qu’elle démarre avant la fin du premier semestre.

La reconquête de temps soignant, par tous ces leviers, est au cœur de la réponse aux besoins des Français. Ensemble, nous devons trouver la voie de cette reconquête, en veillant toujours à la qualité et à la sécurité des soins.

Je le dis souvent, mais lorsque nous ouvrons de nouvelles voies, il est essentiel d’en évaluer l’efficacité. Je m’engagerai sur un suivi précis et documenté de ces évolutions.

3/ Notre troisième objectif, c’est de permettre partout sur le territoire la continuité et la permanence des soins.

Pour moi, ce n’est pas négociable.

C’est une garantie que nous devons apporter, sans exception, à nos concitoyens, en renforçant la possibilité d’accéder à un médecin en journée, mais aussi en assurant une permanence le soir, les week-ends et les jours fériés. Vous le savez, il relève désormais de la responsabilité collective des professionnels d’un territoire de garantir cette promesse.

  • Nous avons beaucoup progressé sur l’appel préalable au 15 avant de se déplacer aux urgences. Il nous faut absolument consolider cet acquis.
  • Cela passe par la sécurisation des Assistants de Régulation Médicale, dont j’ai souhaité qu’ils soient reconnus comme des professionnels de santé. Un plan pour développer l’attractivité de ce métier et augmenter leur recrutement sera présenté d’ici la fin du premier semestre, après concertation avec les professionnels.
  • De la même façon, l’engagement des médecins au titre de la régulation médicale ou de l’effection, en plus de donner lieu à une rémunération dédiée, sera reconnu dans le cadre plus global de l’engagement territorial.
  • Pour soutenir cette organisation dans tous les territoires, un tour de France des Services d’Accès aux Soins sera engagé d’ici la fin février, avec l’objectif de garantir un maillage de tout le territoire d’ici la fin de l’année. Ce travail identifiera en outre les moyens de consolider quelques filières spécialisées dans les SAS, comme la psychiatrie, la gériatrie ou la pédiatrie pour mieux répondre aux besoins spécifiques de certains de nos concitoyens.
  • Nous serons aussi attentifs à juguler les dérives parfois attachées au développement effréné des centres de soins non programmés.
  • Parallèlement, je souhaite que nous résolvions l’épineuse question du partage de la permanence des soins entre les établissements de santé, publics et privés. Une mission de l’IGAS sera lancée dans les prochains jours pour lever toutes les difficultés, et promouvoir une répartition équitable et ordonnée de cette permanence des soins sur les territoires, permettant, en particulier, la mobilisation coordonnée, voire conjointe, d’équipes publiques et privées. J’attends que dans tous les territoires, sous l’égide des Agences régionales de santé, soient établis de vrais schémas de PDSES dans lesquels établissements et professionnels, publics comme privés, s’engagent.

En lien avec mon collègue Stanislas GUERINI, une concertation sera également ouverte au premier trimestre sur la juste reconnaissance de cette permanence des soins, cette sujétion des nuits, des week-ends et des jours fériés, et sa prise en compte au fil de la carrière. En attendant les résultats de la concertation, je le répète, les mesures de valorisation issues de la mission flash de cet été seront maintenues.

Ce chantier est à mettre en regard des ambitions que je souhaite soutenir pour prévenir l’usure professionnelle des personnels de la santé. Ce sera, évidemment, au cœur du chantier de réforme de notre système de retraites, ainsi que l’a annoncé la Première ministre. Le fonds de prévention de l’usure professionnelle qui sera mis en place et les axes qui seront identifiés par la mission confiée à Sophie LEBRET et Rodolphe SOULIE doivent nous permettre d’aller beaucoup plus loin en la matière.

4/ Notre quatrième objectif : améliorer la qualité de vie à l’hôpital et stabiliser les équipes.

C’est un enjeu majeur pour la santé de demain.

Nous devons redonner confiance en l’avenir aux professionnels de l’hôpital. Cette confiance passe par des actes, et des actes rapides.

Avancer dans la voie du renouvellement et de la diversité des pratiques (je pense en particulier à un exercice mixte entre la ville et l’hôpital ou même entre la ville et la médecine scolaire ou la médecine du travail), donner de nouvelles responsabilités et des perspectives de carrière, c’est un enjeu d’attractivité et de fidélisation des soignants.

Sur cet enjeu, il y a bien sûr la question des rémunérations, qui est centrale. Le Président de la République l’a rappelé, beaucoup a été fait avec le Ségur. Nous devons toutefois continuer d’avancer.

Mais améliorer l’attractivité, c’est aussi prendre en compte la recherche d’une qualité de vie et d’un équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale. Je dis sciemment « qualité de vie » et non QVT car, vous le savez comme moi, l’engagement des professionnels de santé est tel que la dégradation des conditions de travail retentit fortement sur leur vie personnelle et familiale.

C’est absolument essentiel. Cette qualité de vie, nous la devons bien à ceux qui ont choisi de consacrer la leur aux autres !

Et cela passe notamment par la transformation en profondeur de l’hôpital, essentielle pour préserver et rénover ce pilier démocratique qu’il constitue dans notre service public.

D’ici l’été, nous travaillerons de manière très concrète à une nouvelle façon d’organiser le temps de travail des soignants, pour limiter les heures supplémentaires, donner plus de stabilité aux plannings et ainsi mieux concilier vie personnelle et professionnelle. De maintenant à fin mars, nous préparons le travail qui incombera ensuite aux établissements :

  1. L’ANAP nous apportera son appui pour identifier les meilleures pratiques sur le terrain, et les conditions de leurs réussites.
  2. Le ministère engagera une concertation avec les organisations syndicales d’une part, et les fédérations et conférences d’autre part, sur les leviers identifiés comme prioritaires. À l’issue de cette phase préparatoire, soit en avril, des orientations et outils seront mis au service des établissements, qui concerteront avec les équipes, en tenant compte des aspirations des services, et négocieront des accords locaux sur les évolutions des organisations, puis les déclineront dans tous leurs services.

D’ici juin, nous travaillerons également, toujours avec l’appui de l’ANAP, à la revitalisation des services dans l’hôpital.

Ce travail se doublera du lancement, d’ici septembre prochain, d’un plan en faveur des manageurs des services, et en particulier des cadres de santé, dont nous devons accompagner l’engagement. Nous devons continuer de renforcer le binôme chef de service / cadre de santé, par la formation mais aussi par des outils modernes d’animation des collectifs de travail. C’est absolument majeur pour que chacun se sente reconnu et valorisé dans son travail.

Aussi d’ici l’été, la direction de nos hôpitaux sera rénovée avec la mise en place de tandems administratifs et médicaux qui mettront concrètement en place les changements que nous ambitionnons. Cette question est à la fois ancienne et sensible. Il s’agit d’avancer sans posture, dans le respect des compétences, des responsabilités et des qualités des uns et des autres, avec pour seule boussole là aussi la cohésion du collectif de travail et la réponse aux besoins de santé des patients. À ce titre, je me réjouis qu’Olivier Claris et Nadiège Baille, aient accepté de mener la concertation dans un double objectif :

  • Stabiliser d’ici fin mars le scénario privilégié de réforme ;
  • Travailler de mars à juin aux conditions concrètes de son déploiement rapide.

La qualité de vie et la qualité des soins, c’est aussi la lutte contre les dérives de l’intérim. J’ai parlé d’intérim « cannibale », car il rémunère injustement le nomadisme professionnel, détruit la cohésion des équipes et enferme dans un cercle vicieux les établissements qui y ont recours.

Je le maintiens.

Nous appliquerons les textes de loi votés pour plafonner les montants des rémunérations des intérimaires et avancerons vers une interdiction pure et simple de cette pratique en début de carrière.

Je l’ai dit, et je le confirme aujourd’hui, nous mettrons en œuvre à compter du lundi 3 avril l’encadrement des rémunérations.

J’ai ainsi demandé aux Agences régionales de santé de s’assurer, dans tous les territoires, en lien étroit avec les élus, d’avoir préalablement à cette date identifié toutes les zones de risque, et créé les conditions d’une solidarité territoriale permettant de franchir le cap. Ce sera par endroit difficile, cela pourra tanguer, nous le savons, mais j’ai la conviction qu’il ne faut pas lâcher au risque sinon d’une déstabilisation grave de nos équipes dans les établissements. Et la condition incontournable de la réussite est que tout le monde joue le jeu. Côté privé, si cet encadrement des rémunérations n’est pas possible en droit, je demande aussi que des engagements fermes soient pris pour réguler les rémunérations, et remettre l’éthique au cœur de façon solidaire.

Enfin, sur le sujet de la qualité de vie et de l’attractivité, je veux dire ici un mot de la psychiatrie. Grâce aux assises, nous avons lancé de nombreux chantiers pour améliorer la santé mentale de nos concitoyens. Nous devons aller plus vite sur le sujet de la psychiatrie de secteur. Nous avons là un enjeu majeur qui est de renforcer ces fondamentaux de notre service public hospitalier, en tenant compte de la pénibilité de ces professions, de leur spécificité, tout en accompagnant toutes les innovations importantes pour les patients. Ce sera, là encore, une priorité de cette année 2023.

5/ Notre cinquième objectif : c’est former plus de soignants, et de les former mieux.

Garantir l’avenir de notre hôpital, et plus largement de notre système de santé, c’est aussi garantir l’arrivée en nombre de jeunes générations de soignants. L’année 2023 sera celle des infirmières et infirmiers, celle de perspectives clarifiées.

Les enjeux sont immenses, et nous entreprendrons plusieurs actions :

Pour nos IDE notamment, je crois en la capacité de notre système à diplômer la très grande majorité des étudiants. Je refuse de me résoudre à ce qu’autant d’étudiants infirmiers abandonnent leur cursus. Nous travaillerons sur la sécurisation des parcours et la qualité de vie étudiante, avec notamment l’intégration du mentorat dans les formations d’ici la rentrée de septembre, l’encouragement et la meilleure reconnaissance du tutorat, et le déploiement plus dynamique des dispositifs tels que les cordées de la réussite. Je veux à ce titre que les IFSI s’engagent dans ces projets au printemps pour s’inscrire dans une cordée et permettre aux plus jeunes les conditions de réussite de leur projet professionnel. Nous ouvrirons en outre, en lien avec le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le chantier du bilan et des évolutions nécessaires à la procédure attachée à Parcoursup, avec des propositions d’ici l’automne prochain.

  • La consolidation du métier sera aussi permise par l’évolution du décret d’actes du métier d’infirmier, notamment pour promouvoir une approche par missions. La concertation sera lancée en février. En miroir de ces travaux, nous débuterons ceux de la réingénierie de la formation dont nous devons viser qu’elle puisse se mettre en oeuvre dans le même temps.
  • En lien étroit avec Régions de France, nous installerons, d’ici la fin du premier trimestre, un comité de pilotage État/Régions pour échanger sur ces perspectives, et dresser les besoins quantitatifs et qualitatifs pour les infirmiers et infirmières, devant permettre de déboucher sur un « deal » de formation dans chaque région, d’ici l’automne prochain. Nous avons déjà beaucoup avancé, mais il nous faut collectivement aller plus loin, et plus vite.
  • Aussi, nous libérerons les voies d’accès à ce métier. À ce titre, un appel à manifestation d’intérêt sera lancé au premier semestre pour susciter des formations réalisées à 100% en apprentissage. Nous favoriserons aussi les contrats d’engagement de service public, pour donner des perspectives aux jeunes, tout en sécurisant le recrutement dans les établissements de santé.
  • Plus spécifiquement, nous lancerons enfin, d’ici le printemps, un grand plan pour augmenter le nombre d’infirmières et d’infirmiers en pratique avancée. Je souhaite que nous nous fixions l’objectif de 5 000 IPA en activité d’ici fin 2024. Saisissons-nous pleinement de ce levier de transformation, en ville comme à l’hôpital.
  • Concernant les infirmières et infirmiers spécialisés, IADE, IBODE et PUER, nous assurerons la reconnaissance de leur pratique avancée avant la fin de l’année, en associant largement l’ensemble des acteurs concernés.

En complément de ces travaux, nous avancerons, car j’ai entendu les alertes des professions, sur la projection des besoins en formation pour d’autres métiers essentiels, comme ceux de pharmaciens, chirurgiens-dentistes, maïeuticiens, manipulateurs radio ou orthophonistes, dont nous devons augmenter le nombre pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens.

6/ Notre sixième objectif sera de créer un choc d’attractivité dans les territoires et faciliter le quotidien des soignants.

Le Président de la République l’a rappelé, tous les CNR territoriaux l’ont établi : il nous faut mieux aider la vie courante des soignants, qu’il s’agisse de logement, de transports, de stationnement, de sécurité ou encore de gardes d’enfants pour ne citer que ces exemples.

  • Quand on a des horaires atypiques,
  • Quand on doit travailler la nuit,
  • Quand on doit remplacer son collègue, on se confronte à des difficultés dans l’organisation de sa vie quotidienne qui peuvent parfois être telles, qu’elles finissent par vous détourner de votre métier.

Il faut changer cela.

En la matière, c’est par la proximité et par le travail avec les élus locaux que nous réussirons à apporter des solutions nouvelles et innovantes à nos soignants.

Ainsi, à l’échelle de chaque territoire, l’État, l’Assurance maladie et les élus uniront leurs forces et leurs capacités de soutien, au service de cette politique en faveur des soignants.

Cela se traduira à la fois par la mise en œuvre de guichets uniques permettant de faciliter les démarches des professionnels dans l’obtention des aides, et par le déploiement de politiques dédiées aux soignants.

Ces premiers pactes territoriaux auront vocation à se déployer dès le second semestre. Avant cela, nous conduirons une première concertation nationale avec les associations d’élus et les représentants des professionnels.

7/ Notre septième objectif, c’est de tourner le dos à la logique comptable qui a présidé à la gestion du système et a pu aboutir à une forme de rationnement des soins.

Nous allons revoir le financement de notre système de santé pour sortir de cette logique de l’offre et de la rentabilité, et mieux soutenir les enjeux de santé publique, de coopération à l’échelle des territoires, de prévention et de responsabilité vis-à-vis des populations.

Notre objectif est clair : sortir du « tout T2A », en posant les fondements de cette évolution dès la prochaine loi de financement de la Sécurité sociale.

C’est un tout nouveau « mix » financier qu’il nous faut bâtir, et qui devra permettre, demain, de rémunérer à leur juste valeur les missions et le travail de chacun, comme de valoriser l’accomplissement d’objectifs de santé publique.

C’est une vraie révolution dans un temps court, où il ne faudra pas tomber dans l’écueil de « tout changer pour ne rien changer ». Je sais aussi que certains commencent à trouver des vertus à la T2A maintenant qu’ils la savent condamnée…

Je le redis solennellement : ce n’est clairement pas l’avenir !

L’équipe projet chargée de construire, en lien avec vous tous, le modèle cible sera installée au ministère dans les prochains jours.

Dans le chapitre « financement » et soutenabilité, nous devons aussi, au cours de cette année, faire évoluer le modèle de financement du médicament et des dispositifs médicaux. C’est le sens de la mission confiée par la Première ministre à six personnalités qualifiées. Elles devront relever le défi de nouvelles modalités de régulation de la dépense, tout en permettant l’accès de nos concitoyens, et notamment de nos enfants, aux dernières innovations thérapeutiques comme aux médicaments du quotidien.

C’est un enjeu majeur que de repenser le partenariat avec ces industriels, a fortiori dans la période que nous traversons, fortement marquée par les pénuries et les tensions d’approvisionnement. Je veux le redire ici, contre ces pénuries et ces tensions, le Gouvernement est totalement mobilisé, et proposera d’engager d’ici la fin du mois les travaux nécessaires au renforcement de notre arsenal de prévention et de gestion de crise.

8/ Huitième objectif : garantir que la santé soit accessible à tous nos concitoyens, quelles que soient leurs ressources. C’est la lutte pour l’égalité et l’universalité dont je parlais tout à l’heure.

La sélection par les revenus est inacceptable, particulièrement en ce moment.

Je souhaite ainsi qu’en 2023, nous entamions l’étape 2 du 100% santé. C’est une réforme qui garde une forme de discrétion, alors qu’elle a soutenu des améliorations puissantes dans l’accès aux soins, notamment s’agissant des soins dentaires ou des prothèses auditives. Les recours ont largement augmenté, c’est très concret pour nombre de nos concitoyens. Il nous faut désormais passer à une phase d’approfondissement : mieux faire connaître le service rendu, actualiser les paniers de soins pris en charge, notamment pour obtenir une mobilisation plus forte sur l’optique, ouvrir le périmètre à de nouveaux produits, comme l’engagement pris de baisser le reste à charge des perruques, dont on sait le rôle qu’elles jouent dans la gestion des cancers et la reconstruction après la maladie. J’organiserai au premier trimestre la relance de cette dynamique avec l’ensemble des parties prenantes.

Parallèlement, la modération des dépassements d’honoraires, comme les travaux sur le déploiement du tiers payant, comptent parmi les enjeux importants à ne pas perdre de vue.

9/ Neuvième objectif pour cette année 2023 : assumer collectivement une nouvelle ambition sur la prévention.

Vous le savez, je souhaite que ce soit l’un des marqueurs de la refondation de notre système de santé… et ce n’est pas qu’un titre sur une carte de visite ministérielle, ou au fronton de ce bâtiment de l’avenue Duquesne !

Parce que comme le dit la sagesse populaire, il vaut mieux prévenir que guérir… nous souhaitons, avec Agnès FIRMIN LE BODO, que notre système de santé investisse durablement dans la prévention.

En 2023, cela se traduira, bien sûr, par la concrétisation des rendez-vous de prévention, engagement du Président de la République que nous avons matérialisé dans la loi de financement de la Sécurité Sociale. Nous devons réussir cette innovation pour les Français, et en particulier pour ceux qui sont les plus éloignés de la santé.

C’est aussi la raison pour laquelle la mission confiée à Philippe DENORMANDIE, Alexandre BERKESSE et Emilie HENRY sur le sujet de la médiation en santé et les nouvelles formes de « l’aller vers » vient compléter cette ambition : ils nous rendront leurs préconisations au cours de ce premier semestre.

Mais au-delà des rendez-vous de prévention, je pense aussi à d’autres échéances en 2023 : l’élaboration d’une nouvelle stratégie vaccinale, avec une place que je souhaite importante pour le développement de la vaccination contre le papillomavirus. Je pense aussi au lancement d’un nouveau plan de lutte contre le tabac, ou à l’élaboration d’une stratégie globale d’amélioration de la santé des femmes.

Je souhaite aussi, dans la perspective des grands événements sportifs qui vont marquer notre pays (notamment la Coupe du Monde de rugby cette année, et les Jeux Olympiques et Paralympiques l’an prochain), que nous investissions fortement sur le sujet de l’activité physique et sportive. À la fois pour les Français qui vont bien, mais aussi dans le champ du sport-santé, avec les conclusions de la mission confiée au Dr Dominique DELANDRE.

Là encore, j’évoque des leviers nationaux, mais des actions locales seront conduites, en particulier dans le cadre des contrats locaux de santé.

Enfin, je cite ici ce sujet mais il aurait pu l’être à de nombreux autres endroits du discours : 2023 sera assurément l’année de la santé de l’enfant, puisque comme nous nous y sommes engagés, nous tiendrons au printemps les assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant.

Sous la coordination d’Adrien TAQUET et du Pr Christèle GRAS LE GUEN, les pilotes de ce travail se sont engagés dès le mois de décembre, et ont amorcé sans attendre les réflexions autour de la feuille de route interministérielle qui sortira de ces assises.

J’entends encore certains douter de la concrétisation de cette ambition : je redis qu’il s’agit là d’un enjeu absolument majeur pour le Président de la République et la Première ministre. Nous investirons donc fortement sur la santé physique et mentale de nos enfants, parce que c’est ainsi que nous préparerons le mieux l’avenir.

10/ Enfin, dixième et dernière ambition, et non des moindres : celle de faire de l’année 2023 une année importante pour la recherche et l’innovation.

Sur la recherche, d’abord : en lien avec Sylvie RETAILLEAU, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, nous porterons des actions volontaristes et résolues pour développer la recherche en santé, et redonner à la France la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre parmi les pays les plus performants en la matière.

Cela suppose de requestionner la place de tous les acteurs dans l’écosystème de la recherche, de simplifier autant que possible les procédures, de développer les levées de fonds et de multiplier les financements pour accélérer tout à la fois la recherche fondamentale, la recherche clinique et la recherche translationnelle, et être compétitifs au plan international.

Sur tous ces points, nous annoncerons prochainement la méthode de travail que nous retenons pour avancer vite et fort. La recherche est un facteur majeur d’attractivité pour nos soignants en leur donnant la possibilité de faire progresser la science. Toujours et partout, la qualité de la recherche améliore la qualité des soins.

Sur l’innovation, ensuite : aller plus vite et plus fort parce qu’elle est fondamentale.

C’est le sens, bien sûr, de la création de l’Agence de l’Innovation en Santé, qui prend progressivement corps depuis la fin de l’année 2022.

C’est aussi le sens du Plan France 2030, dont la vocation est d’investir de manière volontariste sur des projets innovants et transformants.

Nous devons saisir ces opportunités pour favoriser l’innovation à tous les étages du système, pour être au rendez-vous de la révolution permise par les données de santé, tout en renforçant, en parallèle, notre souveraineté et, bien sûr, permettre aux Français d’accéder au plus haut niveau de médecine, de science et de technologie.

C’est ainsi que nous inventerons collectivement le système de santé de demain.

L’ensemble de ces ambitions, nous les retrouverons dans la nouvelle Stratégie Nationale de Santé, qui sera actualisée à l’aune de ces grands principes d’ici la fin du premier semestre. Parce qu’il sera important d’agir sur le temps long, elle portera sans doute sur une période plus longue que la précédente, probablement dix ans.

Mesdames et Messieurs, pour réussir ces dix ambitions, nous aurons besoin de nous rassembler et de dépasser les intérêts personnels, corporatistes ou sectoriels.

Je le dis souvent, la réponse aux besoins de santé ne se fera pas les uns contre les autres. Elle repose sur la mobilisation de tous.

Un mot, à ce stade, pour les médecins libéraux :
Je veux croire que nous sommes en mesure de trouver, dans le cadre de la négociation engagée par l’Assurance maladie, un chemin qui permettra de réconcilier la juste prise en compte des préoccupations des médecins libéraux, dont la situation peut être très difficile dans certains territoires, et la nécessité de faire évoluer les modalités d’exercice pour mieux répondre aux besoins de la population.

Vous le savez, je considère que l’obligation qui porterait sur les plus jeunes médecins, en passe de s’installer, est inéquitable. Elle présenterait des risques dans la durée, justifiant, dans un objectif d’efficacité, de plutôt rechercher la solution dans l’engagement raisonnable de tous.

C’est dans cet esprit que le Gouvernement propose de mieux rémunérer les médecins qui s’engagent pour leur territoire. Je veux parler de ceux qui augmentent le nombre de leurs patients, participent à la permanence et à la continuité des soins, contribuent à apporter des réponses dans les territoires fragilisés, œuvrent à la mise en place de parcours de prise en charge pluri-professionnels par l’exercice coordonné.

Nous devons donc parvenir à formaliser un contrat d’engagement territorial individuel entre chaque médecin et l’Assurance maladie, pour que la somme des engagements individuels puisse se mettre au service des besoins collectifs du territoire.

Dans cette perspective, le déploiement et l’approfondissement des organisations entre professionnels libéraux, en particulier des CPTS, comptent parmi nos objectifs majeurs. Elles sont au coeur de la promesse de la responsabilité collective, plutôt que l’obligation individuelle. Elles sont au coeur de la promesse d’une réponse en santé qui s’adapte aux besoins, et non l’inverse. Elles sont au coeur du dialogue entre la ville et l’hôpital, qui doit trouver à s’organiser avec des interlocuteurs désignés. La ministre reviendra sur la façon dont nous proposerons d’accompagner les initiatives des professionnels.

Le Gouvernement investira pour soutenir ces objectifs dans le cadre d’un contrat global avec les médecins libéraux.

J’ai conscience que c’est une évolution importante, et que certains médecins sont déjà au maximum de ce qu’ils peuvent légitimement donner. Nous en tiendrons compte, bien sûr. Mais il ne peut y avoir de statut quo : la situation est trop sérieuse et les attentes de nos concitoyens trop grandes, a fortiori dans une société qui vieillit.

J’en appelle à l’esprit de dialogue et de responsabilité qui anime le corps médical pour que nous puissions continuer à travailler en ce sens d’ici fin février, terme de ces négociations.

Comment allons-nous nous organiser pour réussir ces chantiers et garantir qu’ils changent la vie des gens ?

Les leviers que nous nous préparons à activer doivent faire système et être cohérents entre eux. Ils doivent être partagés et être connus des professionnels et des Français. Ils doivent être adaptés à l’échelle des territoires en fonction de leurs besoins particuliers, dans un cadre co-construit par l’État, les élus, l’Assurance maladie, les professionnels et les citoyens. Ils doivent être complétés d’initiatives plus locales, car l’Etat n’a pas vocation à être prescriptif de tout, mais bien à poser les briques fondamentales sans lesquelles toute refondation serait vaine.

C’est à ces quatre conditions que nous arriverons à donner son plein effet à notre engagement collectif, et à construire des améliorations visibles et rapides dans la vie de nos concitoyens et de nos professionnels. J’en ai la conviction.

Cette exigence, quand tout foisonne et que les chantiers sont si nombreux, implique une méthode robuste et claire.

Notre méthode, elle sera celle du Conseil national de la refondation en santé.

C’est notre méthode de travail pour que citoyens, élus et professionnels, dans tous les territoires, fassent alliance et trouvent ensemble les voies pour changer les choses et bouger les lignes au plus près du terrain.

C’est notre méthode d’action, qui doit permettre d’entrainer toutes les forces vives de notre système de santé.

Le défi de l’accès à la santé est un problème global qui nécessite d’apporter des réponses locales, différenciées. En effet, les inégalités de santé ont de multiples visages selon les territoires, et les solutions ne sauraient être les mêmes partout.

C’est à partir du terrain que nous construirons la santé de demain, dans une logique de confiance, de coopération et de subsidiarité.

Depuis octobre et jusqu’à fin décembre, grâce à la mobilisation des Agences régionales de santé (ARS), des élus ainsi que du réseau de l’Assurance maladie, nous avons rassemblé, partout en France, à travers plus de 250 réunions locales, citoyens, professionnels de santé, associations, représentants d’usagers, mais aussi élus et représentants de l’État.

Ces CNR territoriaux ont permis de faire émerger des centaines de bonnes idées, de projets et de modes de fonctionnement collectifs innovants pour

  • Faciliter l’accès aux professionnels de santé,
  • Organiser la permanence des soins,
  • Accélérer les démarches de prévention,
  • Et mobiliser les leviers locaux de l’attractivité.

Je veux prendre un instant pour remercier tous ceux qui se sont impliqués dans l’organisation des CNR territoriaux. Il y a eu une envie, un intérêt réel et surtout la confirmation de ce besoin de mettre la santé au cœur d’une logique partenariale, car elle est l’affaire de tous.

C’est, je le crois profondément, notre antidote à l’impuissance et au fatalisme.

C’est pourquoi, nous allons capitaliser sur ces premiers travaux, et continuer. La démarche CNR Santé se poursuivra cette année.

En ce sens, je demanderai aux Agences régionales de santé, à l’échelle de chacune de leur délégation territoriale, de faire vivre dans la durée un collectif « CNR santé » avec 4 objectifs :

1/ Premier objectif : partager les avancées de la feuille de route nationale pour l’accès à la santé, travailler aux conditions de son plein déploiement au vu des priorités de santé identifiées pour le territoire, établir une planification de l’organisation des premiers recours sur le territoire, et d’une offre de soins graduée. In fine, partager les réussites.

À minima, à l’échelle de chaque département, le rôle de ces CNR territoriaux sera - sous l’égide des ARS et de leurs délégations départementales et avec le concours de l’Assurance maladie - de décliner la feuille de route que je viens de vous exposer.

De la décliner et surtout de l’adapter aux opportunités et contraintes de chaque contexte local, dans une démarche d’association de toutes les parties prenantes - citoyens, élus, professionnels de santé – pour favoriser l’innovation et la coopération.

Tout ce que je vous ai dit sur la qualité de vie que nous devons aux soignants ; tous ces nouveaux professionnels que nous formons et à qui nous donnons de nouvelles compétences ; ce décloisonnement de la ville et de l’hôpital que j’appelle de mes vœux… Tout cela ne fonctionnera que si l’on trouve leur traduction concrète dans des projets de territoires.

2/ Deuxième objectif : accélérer le déploiement des projets identifiés comme prioritaires par le collectif du territoire, avec le soutien renforcé de l’État, qui engagera plusieurs évolutions :

  • Les directeurs généraux des ARS bénéficieront, d’ici la fin du premier trimestre, à l’instar des préfets, d’une possibilité de déroger à certaines règles nationales. Nous libèrerons ainsi des moyens d’action élargis, quand cela est nécessaire et pertinent.
  • Plusieurs expérimentations lancées au titre de l’article 51, et évaluées positivement, seront généralisées. En particulier, les travaux sont engagés pour inscrire au PLFSS 2024 la possibilité de financer un collectif de professionnels, ce qui lèvera un immense verrou à l’initiative interprofessionnelle.
  • Une première enveloppe dédiée sur le Fonds d’intervention régional permet déjà à l’Etat d’accompagner les projets pertinents et prometteurs.

3/ Troisième objectif : organiser l’information systématique de la population sur l’offre de soins et de prévention, et la meilleure façon d’y accéder ;

4/ Quatrième objectif : continuer à faire remonter à l’échelle nationale les verrous restant à lever, pour créer une dynamique productive entre les échelons national et territorial.

Ces CNR territoriaux constitueront ainsi la courroie de transmission qui permettra de décliner les réformes nationales dans les territoires, comme de soutenir au niveau national les initiatives locales.

Ils seront aussi le contrat autour duquel chacun mobilise ses efforts, dans une logique de responsabilités partagées.

Autour d’une équipe resserrée de pilotage des projets dans le territoire, les CNR territoriaux pourront associer largement les parties prenantes, y compris en articulation avec les CPTS.

Cette maille départementale s’enrichira des remontées de CNR ou organisations infra-départementales, dans les bassins de vie par exemple.

Nous ferons ainsi émerger des « territoires démonstrateurs », pour incuber de futures mesures nationales. Les effets et résultats de ces expérimentations serviront alors de base pour étendre plus largement ce qui fonctionne, afin d’enrichir la « boîte à outils » à disposition des CNR territoriaux.

Le ministère prendra toute sa part dans la déclinaison de cette méthode du CNR, et j’en profite pour saluer l’engagement résolu de toutes les équipes des directions et de celles des agences et opérateurs qui contribuent à nos côtés à nos politiques publiques.

Afin de s’assurer du bon déploiement de la feuille de route, qu’un rythme ambitieux de réforme soit mis en œuvre, que les solutions déployées sur le terrain soient pertinentes et efficaces, une gouvernance nationale sera mise en place d’ici fin février.

Elle rassemblera régulièrement, ici, au ministère de la Santé et de la Prévention, sous la forme d’un comité de pilotage dédié, des représentants de tout l’écosystème des acteurs de santé, les garants du CNR Santé, nos administrations centrales, en associant les parlementaires et les élus locaux.

Une équipe de pilotage du CNR, en charge d’outiller résolument la démarche aux plans local et national, animera un réseau de référents territoriaux positionnés dans les délégations départementales des ARS. Nous partagerons ensemble, avec les élus, une charte d’engagement dans les territoires courant du premier semestre.

Mesdames, Messieurs, nous avons devant nous de grands chantiers qu’il faut empoigner à bras le corps pour les faire avancer. Pour cela, nous sommes mobilisés avec Agnès FIRMIN LE BODO.

L’État, le Gouvernement, le ministère de la Santé et de la Prévention seront présents aux côtés de ceux qui créent pour tous, la santé de demain.

Nous devons avancer dans cette aventure collective, résolument, avec l’esprit ouvert, sans faillir. Je vous ai accueillis avec des voeux d’espoir, de confiance et de volonté. Je voudrais conclure en y ajoutant des voeux de courage, car nous en aurons besoin.

Nous ne pouvons exclure que, dans cette aventure, nous ne soyons confrontés à de nouvelles crises sanitaires. Que ce soit dans la perspective des grands événements sportifs que la France accueillera ces prochains mois, ou que ce soit dans une approche « one health » compte tenu de l’émergence de menaces à l’échelle de la planète.

Nous avancerons donc, dans ce ministère, pour armer durablement, et à l’aune de l’expérience acquise face au Covid, une force autonome de préparation et d’intervention. La préfiguration d’une direction de crise avance à bon rythme, avec le concours précieux de Cécile Courrèges et Pierre Ricordeau. J’ambitionne de l’installer à la fin du premier semestre.

La mobilisation de nos agents, comme du système de santé dans son ensemble, a été absolument admirable ces dernières années. Nous devons la reconnaître et la consolider. Je m’y emploierai, dans le cadre plus large d’un nouveau projet pour ce ministère, afin de mieux identifier, y compris pour vous parties prenantes, les priorités de notre action et les conditions pour les conduire le plus efficacement possible.

Mesdames et Messieurs, je mettrai toute mon énergie à réussir ce défi, avec vous tous. C’est dans cet état d’esprit, déterminé et réaliste que je continue à m’engager au service de la santé des Français.

Je vous remercie et vous souhaite à chacune et à chacun une très belle année 2023.


pdf Voeux de M. François BRAUN aux forces vives de la Santé - 30 janvier 2023 Téléchargement du pdf (750.9 kio)