Rapport du 17.11.23 : Démocratie en santé : quelles réponses aux situations de maltraitance ?

8 recommandations

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Le 25 mars 2024, à l’occasion de la présentation de la Stratégie nationale de lutte contre les maltraitances, le Pr. Emmanuel RUSCH et M. Emmanuel RONOT, Responsable du groupe de travail spécifique, ont remis le rapport « Démocratie en santé : quelles réponses aux situations de maltraitance ? » à Madame Fadila KHATTABI, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.

Pour en savoir plus, lire : le discours de Mme KHATTABI du 25.03.24


Extrait du préambule du rapport :

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"Pourquoi une saisine de la Conférence nationale de santé ?

La CNS entend la santé dans son acception la plus large, conformément à la définition donnée par l’Organisation mondiale de la santé, ce que traduit sa composition réunissant, à la fois, des membres relevant du Code de la santé publique et d’autres relevant des secteurs médico-social et social. En démocratie en santé, est accordée une attention essentielle au respect des règles de représentativité collégiale et par siège à pourvoir.

Il est donc légitime, à plus d’un titre, que la CNS soit saisie par les ministres chargés des solidarités, de l’autonomie, des personnes handicapées et de l’enfance et qu’elle décide d’étendre le champ de son travail aux maltraitances dans le système de santé (cf. en annexe, la liste des personnes et organisations auditionnées qui comprend, notamment, des associations agréées en santé ).
[…]

le sujet qui est donné à travailler [est] celui de la participation des personnes, du rôle des instances représentatives des usagers 1 (CDU…) et des instances de démocratie en santé (CNS, CRSA, CTS…) comme ressources pour lutter activement contre les maltraitances.

Le rapport de la CNS n’est donc pas un rapport généraliste et exhaustif sur les maltraitances, mais bien spécifique au cœur des préoccupations de la CNS, à savoir le respect des droits de la personne et sa participation directe ou indirecte tout au long du parcours de santé, médico-social, social et/ou éducatif.

La protection de l’enfance [quant à elle] mérite sans aucun doute un travail spécifique avec un temps dédié propice à des propositions adaptées. […]"

Extrait de l’éditorial :

Par le M. le Pr. Emmanuel RUSCH, Président de la CNS et par M. Emmanuel RONOT, Rapporteur et coordonnateur du groupe de travail de la CNS sur les maltraitances :

"Voilà plus de 20 ans, le Haut Comité de la santé publique (HCSP) consacrait, dans sa revue "Actualité et dossier en santé publique (ADSP), un dossier sur les maltraitances soulignant la dimension sociale du phénomène et identifiant les populations les plus affectées, notamment les enfants, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap mental ou les femmes en butte aux violences masculines. Problème de santé publique, s’exerçant parfois à l’abri des murs des institutions, le constat posé était celui d’une prise de conscience récente dans notre pays évoquant, en parlant des maltraitances, les « balbutiements de cette nouvelle exigence et de cette responsabilité encore fragile ».

Depuis, un long chemin a été parcouru. Les lois n° 2002-2 du 02 janvier 2002, n° 2002-303 du 04 mars 2002, n° 2005-102 du 11 février 2005, notamment, ont affirmé les droits des usagers et des personnes accompagnées, droits encore renforcés depuis par différents textes normatifs (législatifs et réglementaires). De nombreuses initiatives ont été portées par les acteurs du système de santé (usagers et professionnels) pour sensibiliser et lutter contre les maltraitances. Des politiques de promotion de la bientraitance ont également été déployées.

Paradoxalement, comme le relevait en mai 2018, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dans son avis « Agir contre les maltraitances dans le système de santé : une nécessité pour respecter les droits fondamentaux », la libération de la parole des patients et des soignants et la médiatisation de différentes affaires ont mis en avant certaines maltraitances, notamment « celles relevant de violences et obstétricales, de la prise en charge des patients autistes, de la question de l’accueil et de la prise en charge des personnes âgées dans les EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) ou dans les établissements psychiatriques ».

Force est de constater que la maltraitance des usagers au sein du système de santé, notamment à l’encontre des plus vulnérables, reste – hélas ! - un sujet d’actualité. Le rapport annuel sur le respect des droits des usagers élaboré par la CNS peut en témoigner.

Les pouvoirs publics ont souhaité engager une nouvelle dynamique pour lutter contre les maltraitances et promouvoir la bientraitance au travers, notamment, d’une large concertation menée dans le cadre des Etats généraux des maltraitances. La CNS salue cette initiative. Elle ne pouvait être silencieuse sur ce sujet essentiel et s’y est activement impliquée.

Une lettre de saisine de notre instance, cosignée par M. Jean-Christophe COMBE et par Mmes Geneviève DARRIEUSSECQ et Charlotte CAUBEL, le 23 novembre 2022, a conduit la CNS à travailler plus particulièrement sur la participation des personnes, le rôle des instances représentatives des usagers et des instances de démocratie en santé comme ressources pour lutter activement contre les maltraitances.

4 « points de départ » à notre réflexion nous semblent pouvoir être d’emblée partagés :

 l’insuffisance de ressources (financières, humaines, …) au sein du système de santé au regard des besoins de santé constitue un terreau fertile et un déterminant important des situations de maltraitances. Cependant, la réalité de la maltraitance des usagers ne peut se limiter à la seule question des ressources disponibles ;

 la maltraitance des usagers n’est pas propre au seul système de soins. Elle est présente dans l’ensemble des secteurs sanitaire, médico-social et social, que ce soit en établissement, en ambulatoire ou à domicile. Elle implique des professionnels, des personnes proches, mais aussi des institutions ;

 la maltraitance des usagers est culturellement et socialement minorée, sous-estimée, rendue invisible et ainsi trop souvent tolérée. La reconnaissance de la maltraitance, son signalement doivent être encouragés au service d’une démarche d’amélioration continue des pratiques d’accompagnement et de soins ;

 la maltraitance touche tout particulièrement les usagers les plus fragiles ou les plus vulnérables. Le respect des droits des usagers en constitue un « garde-fou » essentiel. L’inconditionnalité de l’accueil et de la délivrance de soins ou la recherche constante et l’obtention du consentement libre et éclairé de la personne en sont des exemples. […]"

Les étapes de l’élaboration du rapport (résumé) :

a) le 12.10.22 : lancement des travaux par la co-organisation d’un webinaire, ouvert à toutes et tous, par la CNS en lien avec la Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance,

b) constitution d’un groupe de travail de 8 membres, composé sur appel à candidatures (liste des membres en annexe du rapport), dont l’animation est confiée à M. E. RONOT,

c) élaboration d’un questionnaire et d’un guide d’entretien pour conduire les 22 auditions menées par le groupe de travail,

d) le 06.06.23 : adoption par la Commission permanente "en procédure d’urgence" (le quorum ayant été atteint) à la demande du Cabinet du Ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, d’une première série de propositions remise le 09.06.,

e) le 13.09.23 : adoption en assemblée plénière (le quorum ayant été atteint) des grandes lignes du projet de rapport présentées par M. RONOT,

f) le 02.10.23 : présentation des grandes lignes du rapport à la journée de restitution des travaux des états généraux des maltraitances (EGM),

g) le 19.10.23 : échange avec les représentants des agences régionales de santé (ARS) chargés de la lutte contre les maltraitances,

h) le 17.11.23 : adoption du rapport en réunion de la Commission permanente (le quorum ayant été atteint), rédigé par M. RONOT, avec l’appui du secrétariat général de la CNS, qui approfondit certaines recommandations adoptées en assemblée plénière, après débat et étude des propositions faites d’amendements.

"Le rapport adopté comprend 8 recommandations :

1. Des moyens à la hauteur des enjeux, assurer les ressources du système de santé au regard des besoins de santé,
2. Renforcer les capacités des personnes à connaître et à faire respecter leurs droits,
3. Donner un nouveau souffle aux outils des lois de 2002, de 2005 et suivantes,
4. Faire des conseils territoriaux de santé le pivot de la démocratie en santé de proximité dans la lutte contre les maltraitances, en articulation avec les autres acteurs,
5. Affirmer et renforcer la démocratie en santé,
6. Réaffirmer la nécessité de favoriser la participation et l’autodétermination des personnes et faire de l’éthique une ressource dans la lutte contre les maltraitances,
7. Faire des plaintes et des réclamations, un outil d’amélioration des droits des personnes, de la qualité des services rendus et de la lutte contre les maltraitances,
8. Prévoir un rendez-vous annuel de transparence et de débat public aux niveaux national, régional, départemental et local. […]"

Voir :
 l’article 14 de la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie,
 l’article L. 1411-3 du Code de la santé publique (version en vigueur depuis le 10 avril, modifié par loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 - art. 14).


Pour finir, la CNS remercie la Direction générale de la santé (DGS) et la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) pour leur appui.


1 Le masculin est utilisé en tant que générique afin de faciliter la lecture du présent texte et n’a aucune intention discriminatoire.

vous pouvez lire aussi ou relire :
La démocratie en santé : une urgence de santé publique - rapport de la CNS du 06.04.22, rapport dont plusieurs recommandations concernent directement ou indirectement la lutte contre les maltraitances.