Evolutions européennes en matière d’évaluations de certains projets de recherches sur l’homme

Règlements européens portant sur les dispositifs médicaux et les essais cliniques de médicament et loi du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine

Le 26 mai 2021, le règlement européen relatif aux dispositifs médicaux est entré en vigueur et, le 31 janvier 2022 le règlement européen relatif aux essais cliniques de médicaments entrera en vigueur.
Comment l’entrée en application de ces textes s’articule-t-elle avec la loi du 5 mars 2012 relatif aux recherches impliquant la personne humaine ? Quelles dispositions législatives et réglementaires appliquer et quand ? Que changent concrètement ces textes européens dans l’évaluation éthique des projets de recherches qui ont pour objet de développer les connaissances biologiques et médicales ?

Cadre juridique actuel

Les dispositions du code de la santé publique introduites par la loi dite Jardé

Actuellement, l’évaluation et l’autorisation des projets de recherche impliquant la personne humaine (RIPH) sont encadrées par le code de la santé publique, plus précisément par les dispositions qui ont été introduites dans ce code par la loi dite « Jardé [1] ».

L’article L.1121-1 du code de la santé publique distingue trois catégories de recherches impliquant la personne humaine :

1° Les recherches interventionnelles qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle (dites « RIPH 1 ») ;

2° Les recherches interventionnelles qui ne comportent que des risques et des contraintes minimes, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (dites « RIPH 2 ») ;

3° Les recherches non interventionnelles qui ne comportent aucun risque ni contrainte dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle (« dites RIPH 3 »).

L’article L.1121-4 prévoit que :

 Les « RIPH 1 » ne peuvent être mises en œuvre qu’après avis favorable du comité de protection des personnes (CPP) et autorisation de l’autorité compétente, à savoir l’Agence nationale de sécurité du médicament et des autres produits de santé (ANSM) ;
 Les « RIPH 2 et 3 » ne peuvent être mises en œuvre qu’après avis favorable du comité de protection des personnes.

Sur 2021 et 2022, trois règlements européens ont ou vont impacter l’encadrement de l’évaluation de certains projets de recherche avant leur mise en œuvre en France.

Le règlement EU 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux

Le règlement EU 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux est entré en application le 26 mai 2021. Depuis cette date, tous les projets de recherche visant à évaluer un dispositif médical ou un dispositif utilisé à des fins non médicales listé à l’annexe XVI du règlement 2017/745 sont encadrés par ce règlement et sont nommés investigations cliniques.

Ce qui change  : Les projets de recherche ne sont plus catégorisés en RIPH 1, 2 ou 3 en fonction des interventions, risques et contraintes qu’elles induisent.

En fonction de la classe du dispositif à évaluer dans l’investigation clinique, de son caractère invasif ou non, et selon qu’il porte ou non le marquage CE, ce règlement prévoit plusieurs catégories d’investigations cliniques auxquelles correspondent des procédures d’évaluation spécifiques.

De façon générale, les investigations cliniques font l’objet d’un examen scientifique et éthique et ne peuvent être mises en œuvre qu’en l’absence d’un avis défavorable émis par un comité d’éthique, et selon les cas après autorisation de l’ANSM. 

Dans l’attente de l’adaptation du droit national et du code de la santé publique, et au regard de l’application directe du règlement (UE) 2017/745, un document publié sur le site du ministère et élaboré conjointement avec l’ANSM identifie les différentes catégories d’investigations cliniques prévues par le règlement et précise pour chacune d’elle la procédure d’évaluation mise en place en France à compter du 26 mai 2021, avec les rôles respectifs des CPP et de l’ANSM dans l’évaluation des projets d’investigation clinique.

Le règlement EU 536/2014 relatif aux essais cliniques de médicament à usage humain

Le règlement EU 536/2014 relatif aux essais cliniques de médicament à usage humain entrera en vigueur le 31 janvier 2022. A compter de cette date, tous les projets de recherche répondant aux définitions de l’essai clinique ou de l’essai clinique à faible niveau d’intervention figurant à l’article 2 du règlement seront encadrés par ce règlement.

Ce qui change  : Les essais cliniques ne pourront être mis en œuvre en France qu’après avoir fait l’objet de deux décisions favorables. L’une de ces décisions sera systématiquement française, l’autre sera française si l’essai n’est conduit qu’en France et européenne si l’essai est conduit dans plusieurs états membres européens. Comme dans chaque Etat membre européen, ces deux décisions seront regroupées en France sous la forme d’une décision unique nationale. La décision unique nationale ne pourra être favorable que si les deux décisions qui la constituent sont favorables.

Chaque essai fera l’objet de deux décisions car le règlement prévoit que chaque dossier d’essai clinique de médicament soit construit en deux parties distinctes :

 La partie I sera un dossier commun à l’ensemble des Etats membres participants à la recherche. Elle comprendra le protocole de recherche et des documents relatifs aux produits ou à la mise en œuvre du protocole de recherche (brochure investigateur, respect des bonnes pratiques de fabrication, dossiers des médicaments expérimentaux et auxiliaire(s), avis scientifiques, étiquetage).
 La partie II sera un dossier élaboré pour la France spécifiquement. Elle comprendra les éléments concernant les modalités de recrutement, l’information, le consentement et l’indemnisation des participants, l’aptitude du ou des investigateur(s), l’adéquation des équipements et lieux de recherche, l’assurance du promoteur et le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD).

C’est la décision sur la partie I qui peut être française ou européenne. Elle sera émise par la France pour les essais conduits uniquement en France.

Pour les essais conduits dans plusieurs états membres, cette décision sera émise par un des états membres, dit « état rapporteur » et identifié comme tel lors de la soumission de l’essai. Cet état membre rapporteur sera chargé de faire circuler une proposition de décision à l’ensemble des états membres dans lesquels l’essai sera conduit et d’intégrer ensuite leurs observations dans sa décision finale relative à la partie I transmise au promoteur du projet d’essai clinique. Ainsi, pour les essais conduits dans plusieurs états membres européens, cette décision, pourtant constitutive de la décision unique pour la France, sera en réalité une décision européenne consolidée à partir des avis de tous Etats membres concernés afin que le résultat de l’évaluation de la partie scientifique du dossier soit le même pour tous les Etats. La France aura contribué à la construction de cette décision européenne. La France pourra également, sous certaines conditions, refuser la mise en œuvre sur son territoire d’un essai clinique qui aurait reçu une décision européenne favorable.

En France, selon l’article L.1124-1 du code de la santé publique, c’est l’ANSM qui est responsable de transmettre les résultats de l’évaluation par la France de la partie I du dossier. Conformément à l’organisation décrite ci-dessus, les résultats de cette évaluation prennent la forme d’une décision conforme transmise aux promoteurs pour les essais conduits en France ; et d’une contribution consultative, à destination de l’état membre rapporteur, pour les essais conduits dans plusieurs états membres.

En France, il est considéré que l’éthique de la recherche s’évalue à partir des deux parties du dossier d’essai clinique. Afin de permettre une évaluation de l’éthique de la recherche par les CPP sur la partie I, il est prévu que les CPP transmettent leurs observations sur la partie I du dossier à l’ANSM sous la forme d’un avis "consultatif" dont l’ANSM tiendra compte lorsqu’elle transmettra la décision (pour les essais cliniques français) ou contribution française (pour les essais cliniques européens) sur la partie I.

Selon le même article L.1124-1 du code de la santé publique, ce sont les CPP qui sont responsables de la décision sur la partie II. Cette décision est conforme dans tous les cas. Un projet d’essai clinique ne peut être conduit en France en cas d’avis défavorable émis par un CPP sur la partie II (même si l’essai a reçu un avis favorable sur la partie I).

Le règlement EU 2017/746 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro

Il entrera en application le 26 mai 2022. A compter de cette date, tous les projets de recherche visant à évaluer un dispositif médical de diagnostic in vitro seront encadrés par ce règlement et seront nommés « études de performance ». Ce paragraphe sera complété d’ici l’entrée en application de ce règlement, en précisant l’impact de ce règlement sur l’évaluation et l’autorisation des projets d’étude de performance.