Mesures prises pour la poursuite des recherches impliquant la personne humaine concernées par la situation en Ukraine

La situation en Ukraine a un impact sur la conduite des recherches impliquant la personne humaine (RIPH) réalisées dans ce pays, ainsi que sur les patients qui se sont déplacés en France aux fins de participer à une recherche.

L’Agence de santé ukrainienne conseille, lorsque l’un de ses ressortissants participant à une recherche en Ukraine s’est réfugié dans un autre pays, d’envisager le transfert de ce participant vers un lieu de recherche situé dans un pays où cet essai clinique a également été approuvé et où il est en cours de réalisation.

Les mesures ci-dessous visent à déterminer la conduite à tenir par les promoteurs en France afin de permettre aux personnes concernées de maintenir leur participation à la recherche dans les meilleures conditions possibles.

Pour mémoire, l’Agence européenne du médicament (EMA) a également publié un avis sur la gestion des recherches liée à la situation en Ukraine, corédigé par la Commission européenne, l’EMA et le réseau des chefs d’Agences nationales (HMA).

Patients ukrainiens initialement inclus dans une recherche en Ukraine

 Dans quelles conditions un participant à une recherche peut-il continuer à participer à cette recherche en France ?

A titre liminaire, il faut rappeler que les autorisations de recherche sont propres à chaque pays : pour qu’un participant ukrainien puisse poursuivre en France un protocole débuté en Ukraine, il est obligatoire que la même recherche ait été dûment autorisée en France.

Ainsi, il convient de s’assurer :

  • d’une part, que c’est effectivement le même protocole mis en œuvre dans les deux pays ;
  • d’autre part, que la recherche ait bien obtenu en France l’avis favorable d’un comité de protection des personnes (CPP) et, le cas échéant, l’autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Le promoteur met ensuite en place toute mesure nécessaire pour que les investigateurs français organisent la prise en charge des participants ukrainiens dans les lieux de recherche en France.

Il veille en particulier au respect des recommandations publiées par le « Clinical Trial Coordination Group (CTCG) », qui est le groupe de travail sur les essais cliniques du réseau européen des chefs d’Agences (HMA).

En France, l’inclusion des participants ukrainiens en France est possible dès que le promoteur a informé le CPP concerné, et le cas échéant l’ANSM, dans le cadre du dépôt d’une mesure urgente de sécurité (MUS), suivie dans les 15 jours d’une demande de modification substantielle portant sur les mesures prises (cf. ci-dessous).

 Pourquoi le promoteur doit-il déposer une mesure urgente de sécurité (MUS) pour inclure ces participants ?

Prévu aux articles L. 1123-10 et R. 1123-62 du code de la santé publique (CSP), le dispositif de dépôt d’une MUS est proposé pour répondre à l’urgence d’inclure des patients ukrainiens dans des essais en France portant sur le même traitement expérimental qu’ils recevaient dans leur pays, afin d’éviter toute rupture dans leur prise en charge. Il permet au promoteur et à l’investigateur de mettre immédiatement en œuvre les mesures nécessaires, sans attendre l’évaluation d’une demande de modification substantielle (MS) par le CPP et, le cas échéant, l’ANSM. 

Le promoteur notifie la MUS au CPP et, le cas échéant, à l’ANSM selon les modalités définies dans les avis aux promoteurs correspondant au type de recherche concerné et diffusées sur le site internet de l’ANSM.

Le dépôt d’une MUS doit être suivi, dans les 15 jours, d’une demande de MS portant sur les mesures prises pour l’inclusion des participants ukrainiens.

La modification substantielle prend en compte les recommandations publiées par le clinical trial coordination group (CTCG).

En particulier, afin de s’assurer du consentement éclairé des participants ukrainiens, la demande de modification substantielle devra intégrer la version adaptée si besoin des documents d’informations à l’intention de ces participants, ainsi que, le cas échéant, du formulaire de recueil de leur consentement à l’inclusion dans la recherche conduite en France. Les éventuelles différences entre la recherche autorisée en Ukraine et celle réalisée en France devront y être expressément mentionnées.

Si les participants ne sont pas francophones, le promoteur devra communiquer au CPP les documents d’information et de consentement en ukrainien (ou dans leur langue natale), accompagnés d’une traduction certifiée conforme en français.
Le promoteur devra également décrire les mesures d’accompagnement des participants lors des visites (présence d’un interprète ou autres mesures).

La MUS et la demande de MS post MUS seront adressées :

  • uniquement au CPP compétent, si elles concernent des aspects relevant exclusivement de son évaluation ;
  • à l’ANSM et au CPP, si elles concernent des aspects de la recherche relevant également de l’évaluation de l’Agence (par exemple, reprise des inclusions dans des centres, augmentation substantielle du nombre de participants ou de la durée de la recherche).

 Les participants ukrainiens doivent-ils être affiliés à un régime de sécurité sociale ? Le sont-ils à leur arrivée en France ?

Il est rappelé qu’en France, pour participer à une recherche mentionnée au 1° de l’article L.1121-1 du code de la santé publique portant sur un médicament ou à un essai clinique de médicament ou à une investigation clinique de dispositif médical, le patient ou volontaire sain doit être affilié à un régime de sécurité sociale ou être bénéficiaire d’un tel régime (sauf exception autorisée par le CPP dans les conditions prévues par l’article L.1121-8-1 du CSP).

Le Conseil de l’Union Européenne a décidé l’activation de l’application des dispositions de la directive 2001/55/CE qui a pour objectif « d’instaurer des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées », au profit des ressortissants ukrainiens (et de leurs ayant droits), des réfugiés et apatrides ainsi que des ressortissants d’Etats tiers résidant en Ukraine sous couvert d’un titre de long séjour et n’étant pas en capacité de regagner leur pays d’origine.

En conséquence, il a été décidé que toutes les personnes ayant obtenu le bénéfice de la protection temporaire seront affiliées à la Protection universelle maladie (PUMA). Cette protection universelle maladie est un régime de sécurité sociale, ce qui leur permet donc de participer à une recherche en France.

Patients initialement inclus dans une recherche en France et incapables de se déplacer en France

 Les visites prévues par le protocole de la recherche initialement réalisées en présentiel à l’hôpital peuvent-elles avoir lieu à distance (téléconsultation) ? Si oui, quelles sont les formalités administratives requises ?

En cas d’impossibilité d’assurer les visites de suivi sur le lieu de recherche pour les patients des deux pays en conflit qui participaient à des essais en France qui ne peuvent plus s’y déplacer, un recueil d’information centré sur les critères de vigilance et le critère principal est possible par téléconsultation, à titre exceptionnel.

L’adaptation des visites de suivi et le recours à la téléconsultation sont des options à considérer au cas par cas. Le cas échéant, les promoteurs pourront utiliser certaines des recommandations émises lors de la pandémie COVID-19, comme appliquer les approches et les flexibilités convenues dans ce contexte.

La modification du rythme des visites protocolaires, de critères de suivi et/ou la mise en place de téléconsultation pour l’ensemble des patients de l’essai est considérée comme une modification substantielle à soumettre pour autorisation (MSA) à l’ANSM et au CPP concerné.

Toute donnée non évaluable à distance sera notée manquante.

La non réalisation d’une visite protocolaire ne sera pas considérée comme un motif de sortie d’étude et, au-delà de la nécessaire documentation, ne sera pas considérée comme une déviation majeure devant être notifiée à l’ANSM selon les bonnes pratiques cliniques (BPC) (§ 5.20 de la décision du 24 novembre 2006 fixant les BPC). Les déviations devront néanmoins être signalées et évaluées dans le rapport final de la recherche (Cf. guideline ICH E3). Il conviendra également de documenter les éventuelles déviations au protocole de la recherche pour les analyses ultérieures.